Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/32

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philosophie, il eût à tout propos vanté la noblesse de sa race, les équipages de ses aïeux et le nombre de ses domestiques, l’accusation aurait peut-être ses apparences. Mais il parle de lui dans ses Lettres : pouvait-il s’en dispenser ? L’amitié qui met les amis en société des biens et des maux, ne les oblige-t-elle pas à se rendre compte de leur bonne et de leur mauvaise fortune ? leur est-il permis de retrancher de ce compte leurs prospérités, pour n’y faire entrer que leurs disgrâces ? La même loi qui veut que l’ami malheureux répande une partie de sa douleur dans le sein de son ami, veut aussi, par un juste retour, que l’ami heureux y verse une partie de sa joie.

C’est là proprement l’office des lettres. Ailleurs, c’est orgueil de parler de soi : dans les lettres, c’est nécessité. Nous y sommes le plus souvent historiens de nous-mêmes : mais cette histoire, faite pour demeurer inconnue, ne peut être raisonnablement suspecte d’une ostentation recherchée. Personne n’en fut jamais plus éloigné que Pline. L’avidité de gloire serait peut-être pardonnable à un philosophe, qui ne connaissait guère d’autre récompense de la vertu : cependant on ne peut s’imaginer jusqu’où notre auteur porte la délicatesse sur ce point. Il découvre dans une de ses lettres[1] le fond de son ame, à l’occasion d’un discours où il avait été obligé de dire du bien de ses aïeux et de lui-même. Il y

  1. Lettre viii, liv. I.