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LIVRE DEUXIÈME.


DES VERTUS.[1]


I. Puisque le mal règne ici-bas et domine inévitablement en ce monde, et puisque l’âme veut fuir le mal, il faut fuir d’ici-bas. Mais quel en est le moyen ? C’est, dit Platon, de nous rendre semblables à Dieu. Or nous y réussirons en nous formant à la justice, à la sainteté, à la sagesse, et en général à la vertu[2].

Si c’est par la vertu qu’a lieu cette assimilation, le Dieu à qui nous voulons nous rendre semblables possède-t-il lui–même la vertu ? Mais quel est ce Dieu ? Sans doute c’est celui qui semble devoir posséder la vertu au plus haut degré, c’est l’Âme du monde, avec le principe qui gouverne en elle et qui a une sagesse admirable [l’Intelligence suprême]. Habitant ce monde, c’est à ce Dieu que nous devons chercher à ressembler. Et cependant, on peut douter à la première vue que toutes les vertus puissent convenir à ce Dieu, qu’on puisse par exemple lui attribuer

  1. Pour les Remarques générales, Voyez, à la fin du volume, la Note sur ce livre.
  2. Théétète, p. 176 de l’éd. de H. Étienne, p. 247 de l’éd. de Bekker ; t. II, p. 132 de la trad. de M. Cousin : « Il n’est pas possible que le mal soit détruit parce qu’il faut toujours qu’il y ait quelque chose de contraire au bien... c’est donc une nécessité qu’il circule sur cette terre et autour de notre nature mortelle. C’est pourquoi nous devons tâcher de fuir au plus vite de ce séjour à l’autre. Or, cette fuite, c’est la ressemblance avec Dieu, autant qu’il dépend de nous, et on ressemble à Dieu par la justice, la sainteté et la sagesse. »