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TROISIÈME ENNÉADE.


chaque animal maintient la santé de son corps par l’espèce de providence qui est en lui : survient-il une coupure, une blessure, aussitôt la raison [séminale] qui administre le corps de cet animal rapproche et cicatrise les chairs, rétablit la santé et rend leur force aux organes qui ont souffert.

Il suit de là que les maux sont des conséquences [de nos actions] : ils en constituent les effets nécessaires, non que nous soyons entraînés par la Providence, mais en ce sens que nous obéissons à un entraînement dont le principe est en nous-mêmes. Nous essayons bien alors de rattacher nous-mêmes nos actes au plan de la Providence, mais nous ne pouvons en rendre les conséquences conformes à sa volonté ; nos actes sont alors conformes soit à notre volonté, soit à quelque autre des choses qui sont dans l’univers, laquelle, en agissant sur nous, ne produit pas en nous une affection conforme aux intentions de la Providence. En effet, la même cause n’agit pas de la même manière sur des êtres divers, mais les effets éprouvés par chacun sont différents, comme l’est leur nature : ainsi, Hélène fait éprouver des émotions diverses à Pâris et à Idoménée[1]. De même, l’homme beau produit sur l’homme beau un autre effet que l’homme intempérant sur l’homme intempérant ; l’homme beau et tempérant agit autrement sur l’homme beau et tempérant que sur l’intempérant et que l’intempérant sur lui-même. L’action faite par l’homme intempérant n’est faite ni par la Providence, ni selon la Providence[2].

    distinctione custodit, fit ut mala etiam esse necesse sit. Ita quasi ex antitheticis quodammodo, quod nobis etiam in oratione jucundum est, id est ex contrariis, omnium simul rerum pulchritudo figuratur. » (De Ordine, I, 7.) Voy. aussi De Musica, VI, 11.

  1. Voy. Alcinoüs, De Doctrina Platonis, XXVI.
  2. « Le vice consiste dans la privation du bien ; il n’est donc pas par lui-même et n’a point d’existence réelle. Le mal n’est rien en effet par lui-même en dehors du libre-arbitre : son nom exprime qu’il n’est pas le