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LIVRE TROISIÈME.


L’action faite par l’homme tempérant n’est pas faite non plus par la Providence, puisque c’est lui-même qui la fait, mais elle est selon la Providence, parce qu’elle est conforme à la Raison [de l’univers]. Ainsi ; quand un homme fait une chose qui est bonne pour sa santé, c’est lui-même qui fait cette chose, mais il la fait selon la raison du médecin : car c’est le médecin qui lui enseigne, en vertu de son art, quelles sont les choses salubres et les choses insalubres ; mais quand un homme fait une chose nuisible à sa santé, c’est lui-même qui la fait, et il la fait contre la providence du médecin.

VI. Comment donc [si les choses mauvaises ne sont pas selon la Providence] les devins et les astrologues peuvent-ils prédire les choses qui sont mauvaises ? C’est par l’enchaînement qui existe entre les contraires, entre la forme et la matière, par exemple, dans un animal composé. C’est ainsi qu’en contemplant la forme et la raison [séminale] on contemple par là même l’être qui reçoit la forme : car on ne contemple pas de la même manière l’animal intelligible et l’animal composé ; ce que l’on contemple dans l’animal composé, c’est la raison [séminale] qui donne la forme à ce qui est inférieur. Donc, puisque le monde est un animal, quand on contemple les choses qui y arrivent, on contemple en même temps les causes qui les font naître, la Providence qui y préside et dont l’action s’étend

    bien ; or ce qui n’est pas n’a point d’existence réelle. Dieu n’est donc pas la cause des maux, puisqu’il est l’auteur des choses qui existent et non de celles qui n’existent pas, qu’il a fait le vue et non la cécité, qu’il a donné pour fin au libre-arbitre la vertu et non l’absence de la vertu, qu’il a établi que la possession des biens serait la récompense d’une vie conforme à la vertu, sans soumettre la nature humaine à sa volonté par la contrainte et la nécessité, ni entraîner celle-ci à l’honnête malgré elle comme une machine animée. (S. Grégoire de Nysse, Catechetica oratio, 7.) Voy. aussi les extraits de S. Denys l’Aréopagite dans les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.