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TROISIÈME ENNÉADE.

avec ordre à tous les êtres et à tous les événements, c’est-à-dire à tous les animaux, à leurs actions et à leurs dispositions, lesquelles sont dominées par la Raison et mêlées de Nécessité. On contemple ainsi ce qui a été mélangé dès l’origine et qui est encore mélangé continuellement. Il en résulte qu’on ne peut pas, dans ce mélange, distinguer la Providence de ce qui est conforme à la Providence, ni de ce qui provient de la substance [c’est-à-dire de la matière, et qui est, par conséquent, informe et mauvais]. Ce n’est pas là l’œuvre de l’homme, fût-il sage et divin ; on ne peut accorder qu’à Dieu un pareil privilége[1]. En effet, la fonction du devin n’est pas de connaître la cause (διότι), mais le fait (ὅτι) ; son art consiste à lire les caractères qui sont tracés par la nature, et qui, indiquent invariablement l’ordre et l’enchaînement des faits, ou plutôt à étudier les signes du mouvement universel, lesquels annoncent le caractère de chaque être avant qu’on puisse le découvrir en lui. Tous les êtres, en effet, exercent les uns sur les autres une influence réciproque et concourent ensemble à la constitution et à la perpétuité du monde[2]. L’analogie révèle la marche des choses à celui qui l’étudie, parce que toutes les espèces de divination sont fondées sur ses lois : car toutes les choses ne devaient pas dépendre les unes des

  1. Ficin commente ainsi ce passage : « Quemadmodum et ipse mundus et res in eo ex formoso constant atque deformi, perfectionesque naturarum paulatim desinunt in defectus, sic et omnium actiones. Itaque ex ipso actionum recto vigore longius descendente præsentiri potest obliquitas earumdem atque defectus ; sed tale præsagium ex principiis extrema prospiciens ad Deum pertinet atque divinos ; cæteri vero non per causas quidem latentes, sed per indicia, quæ palam causas comitantur, futura prævident in præsentibus. » Plotin paraît ici faire allusion à la doctrine que Chrysippe professait sur la Prescience divine, et que Cicéron a exposée dans ses traités Du Destin et De la Divination. Les idées de Plotin lui-même ont été éclaircies et développées par Proclus (Dix Doutes, § 2).
  2. Voy. Enn. II, liv. III, § 7 ; t. I, p. 174.