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LIVRE TROISIÈME.


autres, mais avoir ensemble des rapports fondés sur leur ressemblance[1]. C’est ce qu’on veut exprimer sans doute quand on dit que l’analogie embrasse tout[2]. Or, qu’est ce que l’analogie ? c’est une relation entre le pire et le pire, le meilleur et le meilleur, un œil et l’autre œil, le pied et l’autre pied, entre la vertu et la justice, le vice et l’injustice. Si donc l’analogie règne dans l’univers, la divination est possible. L’influence qu’un être exerce sur un autre est conforme aux lois de l’influence que les membres de l’animal universel doivent exercer les uns sur les autres. L’un n’engendre pas l’autre ; tous sont engendrés ensemble ; mais chacun est affecté selon sa nature, l’un d’une manière, l’autre d’une autre. C’est ainsi que la Raison de l’univers est une.

VII. C’est parce qu’il y a dans le monde des choses meilleures qu’il y en a aussi de pires. Comment, dans ce qui est varié, le pire peut-il exister sans le meilleur, ou le meilleur sans le pire ? Il ne faut donc pas accuser le meilleur à cause de l’existence du pire, mais se réjouir de la présence du meilleur parce qu’il communique un peu de sa perfection au pire. Vouloir anéantir le pire dans le monde, c’est anéantir la Providence même[3]. À quoi peut-elle, en

  1. Voy. le livre précédent, § 6, p. 14.
  2. « Le meilleur des liens est celui qui réunit le plus parfaitement en un seul corps et lui-même et les deux corps qu’il unit. Or, il est de la nature de la proportion (ἀναλογία) d’atteindre parfaitement ce but. » (Platon, Timée, p. 31 ; tr. de M. H. Martin, p. 91.)
  3. « La partie du meilleur tout n’est pas nécessairement le meilleur qu’on pouvait faire de cette partie, puisque la partie d’une belle chose n’est pas toujours belle, pouvant être tirée du tout ou prise dans le tout d’une manière irrégulière. Si la bonté et la beauté consistaient dans quelque chose d’absolu et d’uniforme, comme l’étendue, la matière, l’or, l’eau, et autres corps supposés homogènes ou similaires, il faudrait dire que la partie du bon et du beau serait belle et bonne comme le tout, puisqu’elle serait toujours ressemblante au tout ; mais il n’en est pas ainsi dans les choses rela-