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TROISIÈME ENNÉADE.

effet, s’appliquer [si on anéantit le pire] ? Ce n’est pas à elle-même, ni au meilleur : car, lorsque nous parlons de la Providence suprême, nous l’appelons suprême par rapport à ce qui lui est inférieur. Le principe [suprême] est en effet ce à quoi toutes choses se rapportent, ce en quoi toutes existent simultanément, constituant ainsi le tout. Toutes choses procèdent de ce principe, tandis qu’il demeure renfermé en lui-même. C’est ainsi que, d’une seule racine, qui demeure en elle-même, sortent une foule de parties, qui offrent chacune sous une forme différente l’image de leur principe : de ces parties, les unes touchent à la racine, les autres, s’en éloignant, se divisent et se subdivisent jusqu’aux rameaux, aux branches, aux feuilles et aux fruits ; les unes demeurent [comme les rameaux], les autres sont dans un devenir perpétuel, comme les feuilles et les fruits. Les parties qui sont dans un devenir perpétuel renferment en elles-mêmes les raisons [séminales] des parties dont elles procèdent [et qui demeurent] ; elles semblent disposées à être elles-mêmes de petits arbres ; si elles engendraient avant de périr, elles n’engendreraient que ce qui est près d’elles. Quant aux parties [qui demeurent et] qui sont creuses, telles que les rameaux, elles reçoivent de la racine la sève qui doit les remplir : car elles ont une nature différente de celle des feuilles, des fleurs et des fruits]. Il en résulte que les extrémités des rameaux éprouvent des passions des modifications] qu’elles paraissent ne tenir que des parties voisines ; les parties qui touchent à la racine sont passives d’un côté et actives de l’autre ; le principe est

    tivesS. Thomas d’Aquin a entrevu ces choses lorsqu’il a dit : Ad prudente gubernatorem pertinet, negligere aliquem bonitatis defectum in parte, ut faciat augmentum bonitatis in toto (Summa contra Gentes, II, 71). Thomas Gatakerus, dans ses Notes sur le livre de Marc-Aurèle, cite aussi des passages des auteurs qui disent que le mal des parties est souvent le bien du tout. » (Leibnitz, Théodicée, II, § 213, 214.) Voy. aussi ci-dessus, p. 48, 67, 74.