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TROISIÈME ENNÉADE.


que des raisons irrationnelles, des passions sans passivité, c’est-à-dire regarder ces termes comme des métaphores qui sont tirées de la nature des corps, les prendre dans un sens opposé, n’y voir que de simples analogies, de telle sorte qu’on dise de l’âme qu’elle éprouve ces choses sans les éprouver, qu’elle est passive sans l’être réellement [comme le sont les corps][1].

    quantité. Quand tu dis : un chœur, une armée, il y a là quelque chose qui existe en dehors de ces objets [et en toi]. Mais comment le nombre existe-t-il en toi ? Le nombre qui est en toi avant que tu nombres est tout autre [que celui que tu produis en nombrant]. Le nombre qui se manifeste dans les objets extérieurs et se rapporte à celui qui est en toi est un acte des nombres essentiels ou selon les nombres essentiels, parce qu’en nombrant tu produis un nombre, et que par cet acte tu engendres la quantité, comme en marchant tu engendres le mouvement. Comment donc le nombre qui est en nous [avant que nous nombrions] est-il tout autre [que celui que nous produisons en nombrant] ? C’est qu’il est le nombre constitutif de notre essence, laquelle, dit Platon [dans le Timée, p. 35], participe du nombre et de l’harmonie, est un nombre et une harmonie : car l’âme, est-il dit, n’est ni un corps, ni une étendue ; elle est donc un nombre, puisqu’elle est une essence. Le nombre du corps est une essence de la même nature que les corps ; le nombre de l’âme est une essence de la même nature que l’âme. Enfin, pour les intelligibles, si l’Animal même [dont Platon parle dans le Timée, p. 37] est pluralité, s’il est une trinité, cette trinité est essentielle dans l’Animal. Quant à la trinité qui n’est pas dans l’animal, mais dans l’Être, elle est le principe de l’essence. Si tu comptes l’Animal, et le Beau, chacun des deux est une unité ; mais tu engendres en toi le nombre, tu conçois la quantité et la dyade. Si tu dis [comme les Pythagoriciens] que la vertu est un quaternaire, elle est un quaternaire en tant que ses parties [la justice, la prudence, le courage, la tempérance] concourent à l’unité ; tu peux ajouter que l’unité est un quaternaire, en tant qu’elle en est la substance, quant à toi, tu compares ce quaternaire avec celui qui est en toi. » (Ennéade VI, liv. VI, § 16.) On peut rapprocher de ce passage de Plotin ce que saint Augustin dit des nombres sensibles et intelligibles, carnales, spiritales numeri (De Musica, VI, 12).

  1. S. Augustin explique de la même manière les expressions figurées