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SOMMAIRES.



LIVRE DEUXIÈME.
DE LA PROVIDENCE, I.

(I-II) Il ne suffit pas d’admettre que le monde doit son existence à une cause intelligente ; il faut encore montrer comment les maux que nous voyons se concilient avec la sagesse de la Providence.

Le monde a pour cause, non une Providence particulière, semblable à la réflexion de l’artiste qui délibère avant d’exécuter son œuvre, mais une Providence universelle, savoir l’Intelligence, principe, archétype et paradigme de tout ce qui existe. D’abord, l’Intelligence constitue elle-même le monde intelligible, unité vivante et intelligente, permanente et immuable, type de la perfection et de la béatitude. Ensuite, en vertu d’une nécessité inhérente à son essence, elle engendre le monde sensible, qui est le théâtre de la pluralité, de la division, de la lutte des contraires, parce qu’il est un mélange de la matière et de la raison. L’harmonie qu’on y découvre lui est donnée par l’Âme universelle qui le gouverne.

(III) Quoique le monde sensible soit bien inférieur au monde intelligible, il est cependant le plus beau et le meilleur des mondes possibles où la matière entre comme élément : il procède nécessairement d’une cause excellente et divine ; il est achevé, complet, harmonieux dans son ensemble et ses détails ; enfin, il est bon, preuve que tout y aspire au Bien et y représente l’Intelligence selon son pouvoir.

(IV-V) Les parties du monde se transforment, mais ne périssent pas. Les âmes animent tour à tour des corps différents : de là naît la lutte des natures opposées, la mort, la transgression de la loi suprême. Les âmes qui écoutent les appétits du corps en sont justement punies ; elles n’ont pas le droit de réclamer la félicité divine lorsqu’elles ne se sont pas élevées elles–mêmes à un état divin. Quant à la pauvreté, aux maladies et aux autres souffrances, elles sont indifférentes aux hommes vertueux et utiles aux méchants ; elles rentrent dans l’ordre de l’univers, parce qu’elles nous forcent à lutter contre les obstacles, à distinguer le bien du mal. Ainsi, les maux qui sont inévitables dans la constitution de l’univers, puisque celui-ci doit être moins parfait que sa cause, ont cependant de bons résultats et se concilient parfaitement avec l’existence de la Providence : car le mal n’est qu’un défaut de bien[1].

(VI-VII) On demande comment il se fait que les hommes vicieux obtiennent si souvent tous les avantages auxquels on attache tant de prix, richesses,

  1. Voy. ci-après la Lettre de Jamblique à Macédonius sur le Destin, p. 670-672, et l’Analyse du Théophraste d’Énée de Gaza, § IV, p. 680-681.