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TROISIÈME ENNÉADE.


elle et avec elle, comme l’éternité est dans l’Être et avec l’Être.

XI. Des considérations précédentes, il résulte que le temps doit être conçu comme la longueur de la vie propre à l’Âme universelle, que son cours se compose de changements égaux, uniformes, insensibles, et qu’il implique continuité d’action. Supposons pour un moment que la puissance de l’Âme cesse de s’exercer, de jouir de la vie qu’actuellement elle possède sans interruption et sans terme, parce que cette vie est l’action propre à une âme éternelle, action par laquelle l’Âme ne revient pas sur elle-même, ne se concentre pas en elle-même, mais engendre et produit ; supposons, dis-je, que l’Âme cesse d’agir, qu’elle applique sa partie supérieure au monde intelligible et à l’éternité, qu’elle y demeure tranquillement unie, que restera-t-il si ce n’est l’éternité ? Quelle place y aurait-il pour la succession, si toutes choses étaient immobiles dans l’unité[1] ? Comment y aurait-il antériorité, postériorité, durée plus ou moins longue ? Comment l’Âme s’appliquerait-elle à un autre objet qu’à celui qui l’occupe ? Bien plus, on ne saurait même dire alors qu’elle s’applique à l’objet qui l’occupe : il faudrait qu’elle s’en fût séparée pour s’y appliquer. La sphère universelle n’existerait pas non plus, puisqu’elle n’existe pas avant le

  1. « Je soutiens que, sans les créatures, l’immensité et l’éternité de Dieu ne laisseraient pas de subsister, mais sans aucune dépendance des temps ni des lieux. S’il n’y avait point de créatures, il n’y aurait ni temps ni lieux, et, par conséquent, point d’espace actuel. L’immensité de Dieu est indépendante de l’espace, comme l’éternité de Dieu est indépendante du temps. Elles portent seulement à l’égard de ces deux ordres de choses, que Dieu serait présent et coexistant à toutes les choses qui existeraient. Ainsi, je n’admets point ce qu’on avance ici, que si Dieu seul existait, il y aurait temps et espace comme à présent ; au lieu qu’alors, à mon avis, ils ne seraient que dans les idées, comme de simples possibilités. » (Lettres de Leibnitz à Clarke, V, § 106.) Voy. aussi S. Augustin, De Civitate Dei, XII, 25.