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LIVRE HUITIÈME.


Qu’on s’imagine encore la vie qui circule dans un grand arbre, sans que son principe sorte de la racine, où il a son siége, pour aller se diviser entre les rameaux : en répandant partout une vie multiple, le principe demeure cependant en lui-même exempt de toute multiplicité et il en est seulement l’origine[1].

    fleuve qui, engendré par une source, n’en est cependant pas séparé, quoique ce fleuve et cette source aient deux aspects et deux noms différents. En effet, le Père n’est pas le Fils et le Fils n’est pas le Père : le Père du Fils est Père, et le Fils du Père est Fils. De même que la source n’est pas le fleuve, et que le fleuve n’est pas la source, mais que l’un et l’autre sont la même eau qui coule de la source dans le fleuve ; de même la divinité se communique du Père au Fils sans écoulement ni division. » (Exposition de la Foi, § 2.) C’est aussi pour faire comprendre comment Dieu se donne, se communique sans écoulement ni division que Plotin a recours à la comparaison dont il se sert. Il l’a sans doute empruntée à la théologie hébraïque. On la trouve indiquée dans Jérémie (II, 13) : « Ils m’ont abandonné, moi la source de l’eau vivante ; » et dans Philon : « Moïse nous représente la sagesse qui remplit le Verbe comme une eau abondante qui se distribue partout. » (De Somniis, t. I, p. 691, éd. Mangey.)

  1. Cette comparaison, que Plotin a déjà développée ci-dessus (livre III, § 7, p. 86), a pour but, comme la précédente, de faire comprendre comment l’Un, tout en s’épanchant, demeure en lui-même. Il faut rapprocher de ce passage les lignes suivantes (Enn. VI, liv. VIII, § 15) : « La première hypostase (ὑπόστασις πρώτη) ne consiste pas dans une chose inanimée ni dans une vie irrationnelle : car une vie irrationnelle est impuissante à exister, parce qu’elle est une dispersion de la raison et une indétermination. Au contraire, plus la vie approche de la raison, plus elle est éloignée de la contingence, parce que ce qui est rationnel ne saurait être contingent. Or, quand nous nous élevons à Lui, il nous apparaît comme étant, non la raison, mais ce qui est plus beau encore que la raison ; tant il est loin d’être arrivé à l’existence par accident. Il est en effet la racine même de la raison : c’est à lui que finissent toutes choses. Il est le principe et la base d’un arbre immense qui vit par la raison : il demeure en lui-même, et donne l’être à l’arbre par la raison qu’il lui com-