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LIVRE TROISIÈME.


et vient l’animer, c’est simplement pour expliquer notre pensée plus clairement ; la succession que nous établissons ainsi entre ses actes est purement verbale[1] : car il n’y a jamais eu de moment où l’univers ne fût pas animé, où son corps existât sans l’Âme, où la matière subsistât sans avoir de forme[2]. Mais on peut séparer ces choses par la pen-

  1. Voy. ce que Plotin dit ci-dessus sur les mythes, p. 120-121.
  2. Sur la coexistence de la matière et de la forme, ainsi que sur l’éternité du monde, Voy. t. I, p. 199 et 265. La question de savoir si Platon admettait ou non l’éternité du monde, comme Aristote, a donné lieu à de nombreuses controverses dont on trouvera le résumé dans les Études sur le Timée de M. H. Martin (t. II, p. 180-208) et dans les Études sur la Théodicée de Platon et celle d’Aristote de M. J. Simon (p. 73-78). Quant à l’interprétation que Plotin donne ici de la doctrine de Platon, elle remonte à Xénocrate et à ses disciples : « Parmi ceux, dit Aristote, qui prétendent ainsi que le monde est né et que pourtant il ne périra pas, quelques-uns appellent à leur secours une excuse qui manque de vérité. De même, disent-ils, que l’on trace certaines figures de géométrie, sans prétendre qu’elles se soient jamais produites dans la nature, mais pour aider l’intelligence de ceux qui les voient construire, nous en usons de même dans nos discours sur la génération, non pas que nous prétendions que les choses aient commencé d’être, mais parce que nous voulons rendre l’enseignement plus facile, et faire mieux comprendre la nature des choses. » (Du Ciel, I, 10, p. 279.) Plutarque dit aussi, en parlant des opinions de Xénocrate, de Crantor et de leurs disciples sur la formation de l’âme : « Tous ces philosophes s’accordent à penser que l’âme n’est point née dans le temps et n’est point engendrée ; mais, suivant eux, elle a plusieurs facultés dans lesquelles Platon divise son essence pour en faciliter l’étude, et c’est ainsi qu’en paroles seulement, et non en réalité, il la suppose née et résultant d’un mélange ; et de même, à les en croire, Platon connaissait fort bien que le corps du monde est éternel et n’a jamais été engendré, mais, sachant combien il serait difficile d’embrasser par la pensée l’économie du monde et l’ordre qui y règne, si l’on ne supposait d’abord sa génération et le concours primitif des éléments générateurs, il comprit qu’il fallait suivre cette voie. » (De la Formation de l’âme, 3.)