Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
QUATRIÈME ENNÉADE.

que nous n’eussions point d’ailleurs l’habitude de rapporter au temps nos autres actions, nous ne nous rappellerions pas différents temps. Ce qui le prouve, c’est que, quand l’esprit possède la connaissance générale de ce qui se fait et qu’il est sûr que la chose sera telle qu’il se la représente, il ne s’occupe plus des détails. En outre, quand un être fait toujours la même chose, il ne lui servirait de rien d’en observer toutes les parties. Donc, si les astres, en suivant leur cours, accomplissent en même temps un acte qui leur est propre, s’ils ne s’occupent pas de traverser tel ou tel espace qu’ils traversent, si leur fonction propre n’est pas de considérer les lieux qu’ils parcourent, ni même de les parcourir, si les parcourir est pour les astres quelque chose d’accidentel parce qu’ils s’appliquent à contempler des objets plus relevés, enfin, s’ils parcourent toujours les mêmes lieux, ils ne sauraient calculer le temps ; ou du moins, s’ils y pensaient, ils ne sauraient se rappeler les lieux parcourus et les temps écoulés. Ils ont d’ailleurs une vie uniforme, puisqu’ils parcourent toujours les mêmes lieux, en sorte que leur mouvement est, pour ainsi dire, plutôt vital que local, puisqu’il est produit par un seul être vivant [l’univers], qui, en le réalisant en lui-même, est extérieurement en repos et intérieurement en mouvement par sa vie éternelle. Veut-on comparer le mouvement des astres à celui d’un chœur ? Supposons que ce chœur n’ait qu’une durée limitée : il sera parfait, s’il est pris dans sa totalité, du commencement à la fin ; il sera imparfait s’il est pris dans chacune de ses parties. Supposons qu’il existe toujours, il est toujours parfait. S’il est toujours parfait, il n’y aura pas de temps ni de lieu où il devienne parfait ; par conséquent, il n’aura même pas de désir, et il ne mesurera rien ni par le temps, ni par le lieu ; il ne se souviendra donc ni de l’un ni de l’autre.

En outre, les astres jouissent d’une vie bienheureuse, parce qu’ils contemplent la vie véritable dans leurs âmes