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xxxiv
SOMMAIRES.


redescend du monde intelligible dans le ciel. Là, elle se rappelle les choses humaines et elle reconnaît les âmes avec lesquelles elle a été liée jadis.

Deuxième question. Les âmes des astres et l’Âme universelle ont-elles besoin de la Mémoire et du Raisonnement, ou se bornent-elles à contempler l’Intelligence suprême ?

(VI-VIII) Étant propre aux âmes qui changent, la mémoire ne convient pas aux âmes des astres, parce que celles-ci vivent d’une existence uniforme et identique. La contemplation de l’Intelligence suprême leur rend inutile la connaissance des choses particulières.

(IX-XII) Jupiter (l’Âme universelle) n’a pas besoin de la mémoire ni de la raison discursive : pour administrer le monde et y faire régner l’ordre, il lui suffit de contempler la Sagesse divine dont cet ordre est l’image ; il produit les choses muables chacune dans son temps, tout en restant lui-même immuable ; il connaît le futur comme le présent, parce qu’il en est le principe.

(XIII-XIV) Il en est de même de la Nature, parce qu’elle possède le dernier degré de la Sagesse propre à l’Âme universelle. N’ayant ni la pensée ni même l’imagination, elle imprime aveuglément à la matière les formes qu’elle reçoit des principes supérieurs. À la Nature finit l’ordre des essences. Après elle viennent immédiatement les corps qu’elle engendre, c’est-à-dire les éléments.

(XV-XVI) Quoique les choses engendrées soient toutes dans le temps, l’essence de l’Âme universelle est éternelle : c’est que la distinction du passé, du présent et de l’avenir ne s’applique qu’à ses œuvres, qui varient sans cesse, tandis qu’elle-même possède à la fois toutes les raisons séminales qu’elle réalise successivement.

Troisième question. Quelles sont les différences intellectuelles entre l’Âme universelle, les âmes des Astres, l’Âme de la Terre et les âmes humaines[1] ?

(XVIII) L’âme humaine ne peut, comme l’Âme universelle, jouir de l’exercice calme et uniforme de la pensée, parce qu’elle est troublée par les besoins et les passions qui naissent de l’union de l’âme avec le corps.

Quelles sont les facultés dont l’exercice dépend de l’union de l’âme et du corps ? — Voici quelles sont les lois qui président à l’influence que l’état du corps exerce sur celui de l’âme.

1o  Appétit concupiscible[2] (XIX-XXI) Le corps reçoit de l’âme la force vitale appelée nature : en vertu de cette force vitale, il éprouve des passions, c’est-à-dire des impressions et des modifications physiques, que l’âme connaît, mais ne partage point. En effet, quand un organe souffre, c’est le corps qui pâtit par le fait de la lésion, tandis que l’âme se borne à sentir, c’est-à-dire à prendre connaissance de la douleur. Par là s’explique l’origine de l’Appétit concupiscible : indifférente par elle-même aux propriétés des objets extérieurs, l’âme les recherche ou les fuit à cause du corps auquel elle est unie.

2o  Sensation[3]. (XXII-XXVII) Pour comprendre ce que peut être dans la

  1. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § IX p. 641-644.
  2. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, p. 640, et note 2.
  3. Voy. ci-après Jamblique, Comm. du Traité d’Aristote sur l’Âme, § XVIII, p. 662.