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QUATRIÈME ENNÉADE.


que la passion garde quelque chose de l’objet qui la produit, sans lui être cependant identique. L’organe qui pâtit doit donc être d’une nature intermédiaire entre l’objet qui produit la passion et l’âme, entre le sensible et l’intelligible, et jouer ainsi le rôle de moyen terme entre deux extrêmes, recevant d’un côté, annonçant de l’autre, et devenant semblable également à tous les deux. Pour être l’instrument de la connaissance, l’organe doit n’être identique ni au sujet qui connaît, ni à l’objet qui est connu ; il doit devenir semblable à chacun d’eux, à l’objet extérieur parce qu’il pâtit, à l’âme qui connaît parce que la passion qu’il éprouve devient une forme (εἶδος). Pour parler exactement, les sensations ont lieu par les organes : c’est la conséquence du principe que nous avons avancé, savoir, que l’âme isolée du corps ne peut saisir rien de sensible. Quant à l’organe, il est ou le corps entier, ou une partie du corps destinée à remplir une fonction particulière ; c’est ce qui a lieu pour le tact, par exemple, ou la vue. Il est également facile de voir que les instruments des artisans jouent le rôle d’intermédiaires entre l’esprit qui juge et l’objet qui est jugé, et qu’ils servent à reconnaître les propriétés des substances. La règle, étant également conforme à l’idée d’être droit qui est dans l’esprit et à la propriété d’être droit qui se trouve dans le bois, sert d’intermédiaire à l’esprit de l’artisan pour juger si le bois qu’il travaille est droit.

C’est une autre question que d’examiner s’il faut que

    comme nous ne mettons point les sensations dans les objets, nous ne les mettons pas non plus dans les organes, dont les dispositions bien considérées, comme nous le ferons en son lieu, se trouveront de même nature que celle des objets mêmes. C’est pourquoi nous regardons les sensations comme choses qui appartiennent à notre âme, mais qui nous marquent l’impression que les corps environnants font sur le nôtre et la correspondance qu’il a avec eux. » (Bossuet, De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. I, § 1.)