Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
468
QUATRIÈME ENNÉADE.


cela est évident, puisque, comme nous l’avons démontré, elle n’est pas un corps, elle n’a ni figure ni couleur, et qu’elle est impalpable. On en peut encore donner les preuves suivantes.

C’est une chose admise que tout ce qui est divin et qui possède l’existence véritable jouit d’une vie heureuse et sage : considérons d’après ce principe la nature de notre âme. Prenons une âme, non une âme qui soit dans un corps, qui éprouve les mouvements irrationnels de la Concupiscence et de la Colère et les autres affections nées du corps, mais une âme qui ait éloigné d’elle tout cela, qui n’ait, autant que possible, aucun commerce avec le corps : elle nous montre que les vices sont choses étrangères à l’essence de l’âme et lui viennent d’ailleurs, qu’étant purifiée elle possède en propre les plus éminentes qualités, la sagesse et les autres vertus[1]. Si telle est l’âme quand elle rentre en elle-même, comment ne participerait-elle pas de cette nature que nous avons reconnue propre à tout ce qui est éternel

  1. Voy. le passage de Platon (République, X, p. 611) cité et commenté par Plotin dans l’Enn. I, liv. I, § 12 (t. I, p. 49). Il a été commenté dans le même sens par Proclus : « La descente de l’âme dans le corps l’a séparée des essences divines par lesquelles elle était remplie d’intelligence, de puissance et de pureté ; elle l’a unie à la génération, à la nature et aux choses corporelles, par lesquelles elle est remplie d’oubli, d’erreur et d’ignorance. En effet, en descendant, l’âme a reçu de l’univers des vies multiples [la vie sensitive et la vie végétative] et des vêtements divers, qui l’attirent vers une constitution mortelle et lui voilent la vue des êtres véritables. Il faut donc élever directement l’âme qui séjourne ici-bas vers la nature vigilante [de l’intelligence], régler les facultés du second et du troisième rang qui lui sont attachées, comme le sont au dieu marin Glaucus les herbes et les coquillages qui le couvrent, réprimer les appétits qui la font sortir d’elle-même, lui rendre le souvenir des êtres véritables et de l’essence divine, de laquelle elle est descendue et à laquelle il faut rapporter toute notre vie. » (Commentaire sur l’Alcibiade, t. III, p. 75-76, édit. de M. Cousin.)