Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
484
QUATRIÈME ENNÉADE.


ne se borne pas à penser. Sans cela, en quoi l’âme différerait-elle de l’Intelligence ? Au caractère d’être intellectuelle, l’âme joint un autre caractère, dans lequel consiste sa nature propre, et en vertu duquel elle ne reste pas simple intelligence : elle a sa fonction propre, comme tout être. En élevant ses regards sur ce qui lui est supérieur, elle pense ; en les reportant sur elle-même, elle se conserve ; en les abaissant sur ce qui lui est inférieur, elle l’orne, l’administre, le gouverne. Il ne fallait pas que toutes choses restassent en repos dans le monde intelligible, puisqu’il pouvait en sortir successivement une série variée d’êtres, qui sans doute sont moins parfaits que ce qui les précède, mais qui néanmoins existent nécessairement tant que dure le principe dont ils procèdent[1].

IV. Les âmes particulières qui aspirent au monde intelligible dans leur conversion[2] vers le principe dont elles procèdent, et qui exercent aussi le pouvoir qu’elles ont sur les choses inférieures (comme la lumière, tout en restant là-haut suspendue au soleil, ne refuse pas d’envoyer ses rayons ici-bas), ces âmes, dis-je, doivent rester à l’abri de toute souffrance tant qu’elles demeurent dans le monde intelligible conjointement avec l’Âme universelle ; elles doivent en outre partager avec elle dans le ciel l’administration du monde, semblables à des rois qui, collègues du grand Roi de l’univers, partageraient avec lui le gouvernement, sans descendre eux-mêmes de leurs trônes, sans cesser d’occuper une place aussi élevée que lui. Mais, quand elles passent de cet état dans lequel elles vivent avec l’Âme universelle à une existence particulière et indépendante, qu’elles semblent fatiguées de demeurer avec une autre, alors elles reviennent chacune à ce qui leur appartient en

  1. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXIX ; t. I, p. LXIX.
  2. Voy. ci-dessus, p. 276, 279. Voy. aussi les Éclaircissements du tome I, p. 348.