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TROISIÈME ENNÉADE.


prêmes. Pourquoi, en effet, dans les mêmes circonstances, dans la pleine lune, par exemple, celui-ci a-t-il volé et celui-là ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi, sous la même influence du ciel, l’un a-t-il été malade, et l’autre ne l’a-t-il pas été ? Pourquoi celui-là s’est-il enrichi et cet autre s’est-il appauvri en employant les mêmes moyens ? La diversité des mœurs, des caractères, des fortunes nous enseigne à chercher des causes plus éloignées. Aussi, les philosophes ne se sont-ils jamais arrêtés [aux causes prochaines].

Les uns[1] qui admettent des principes matériels, tels que les atomes, et qui expliquent tout par leur mouvement, leurs chocs, leurs combinaisons, prétendent que tout ce qui existe et tout ce qui arrive a pour cause l’agencement de ces atomes, leurs actions et leurs passions. Bien plus, dans cette théorie, nos appétits et nos dispositions dépendent des atomes. Ces philosophes étendent donc à tout ce qui existe la nécessité qui se trouve dans la nature de ces principes et dans leurs effets. Quant à ceux qui adoptent d’autres principes corporels[2] et qui leur rapportent tout, ils soumettent encore de cette manière les êtres à la nécessité [qui est inhérente à ces principes corporels].

Il en est d’autres[3] qui, s’élevant jusqu’au principe de

  1. Leucippe, Démocrite, Épicure. Voy. § 3.
  2. Ces principes corporels autres que les atomes sont les éléments, par lesquels les philosophes ioniens expliquaient toutes choses. Voy. § 3.
  3. Il s’agit ici d’Héraclite, dont la doctrine sur le Destin paraît avoir donné naissance à celle des Stoïciens. « Héraclite définit ainsi le Destin : L’essence du Destin est la raison qui pénètre l’essence de l’univers (λόγον τὸν διὰ οὐσίας τοῦ παντὸς διήϰοντα) ; cette raison est le corps éthéré, semence génératrice de l’univers et mesure d’une période déterminée (αἰθερίον σῶμα, σπέρμα τῆς τοῦ παντὸς γενέσεως ϰαὶ περιόδου μέτρον τεταγμένης). Tout arrive par le Destin, qui est la même chose que la Nécessité.  » (Stobée, Eclogœ physicœ, Ι, 6, p. 178.) On voit que les expressions de Plotin dans la suite de ce passage s’accordent parfaitement avec celles que Stobée prête à Héraclite.