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LIVRE PREMIER.


l’univers, en font tout dériver : ils disent que ce principe pénètre tout, meut tout, produit tout. Ils le nomment le Destin (εἱμαρμένη), la Cause suprême (ϰυριωτάτη αἰτία) . Ils lui rapportent tout ; ils font naître de ses mouvements, non seulement les choses qui deviennent, mais nos pensées mêmes : c’est ainsi que les membres d’un animal ne se meuvent pas par eux-mêmes, mais reçoivent l’impulsion du principe dirigeant (τὸ ἡγεμονοῦν)[1] qui est en eux.

Quelques-uns[2] expliquent tout par le mouvement circulaire du ciel, par les positions relatives des planètes et des étoiles, et par les figures qu’elles forment entre elles. Ils se fondent sur ce qu’on a coutume d’en tirer des conjectures pour l’avenir.

Il en est encore qui définissent le Destin d’une autre manière[3] : Le Destin, disent-ils, consiste dans l’enchaînement des causes (ἡ τῶν αἰτίων ἐπιπλοϰή πρὸς ἄλληλα), dans leur connexion qui remonte à l’infini (ὁ ἄνωθεν εἱρμός) et par laquelle tout fait postérieur est la conséquence d’un fait antérieur. Ainsi les choses qui suivent se rapportent à celles qui précèdent, en sont les effets et en dépendent nécessairement. Il y a d’ailleurs parmi ces philosophes deux manières de concevoir le Destin : les uns veulent que tout dépende d’un seul principe, les autres rejettent cette opinion. Nous en parlerons plus loin.

Nous allons commencer par examiner le système dont nous avons parlé en premier ; nous passerons ensuite aux autres.

  1. Voy. ci-après, p. 9, la note sur ce mot.
  2. Les astrologues. Voy. § 5, 6.
  3. Les Stoïciens. Voici comment, selon Aulu-Gelle (Nuits attiques, VI, 2), Chrysippe définissait le Destin : « Le Destin est l’ordre naturel des choses qui de toute éternité sont les conséquences les unes des autres et forment un enchaînement inflexible (εἱμαρμένη, φυσιϰὴ σύνταξις τῶν ὅλων ἐξ ἀίδιου τῶν ἑτέρων τοῖς ἑτέροις ἐπαϰολουθούντων, ϰαὶ μετὰ πολὺ μὲν οὖν ἀπαραϐάτου οὔσης τῆς τοιαύτης συμπλοϰῆς). » Voy. encore M. Ravaisson, Sur le Stoïcisme (Mém. de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXI, p. 63).