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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRES II ET III.


même la Providence, par un seul acte, règle d’une manière immuable tout ce qui doit se faire dans l’univers, et elle se sert ensuite du Destin pour l’exécuter en détail successivement et de mille manières différentes[1]. Soit donc que le Destin exerce son empire par des esprits divins qui servent de ministres à la Providence, soit qu’il l’exerce par l’action de l’âme[2] ou par celle de toute la nature[3], soit par l’influence des astres[4], soit par la vertu des anges ou par l’artifice des démons[5], soit enfin que toutes ces puissances y concourent ou que quelques-unes seulement y aient part, il est toujours certain que l’idée universelle et simple de ce qui doit se faire dans le monde [telle qu’elle est en Dieu] est ce que nous devons nommer Providence[6], et que le Destin n’est que le ministre de cette Providence, parce qu’il développe et qu’il ordonne dans la suite des temps ce que la Providence a réglé par un seul acte de sa pensée. Ainsi, ce qui est soumis au Destin, et le Destin lui-même, tout est sujet à la Providence[7] ; mais la Providence embrasse bien des choses qui ne dépendent aucunement du Destin : telles sont

  1. « Il y a dans l’univers deux espèces de Providence : la première, sans s’inquiéter des détails, règle tout comme il convient à une puissance royale ; la seconde, opérant en quelque sorte comme un manœuvre, fait participer sa puissance créatrice à la nature inférieure des créatures et se met en contact avec elles. » (Enn. IV, liv. VIII, § 2, p. 480.)
  2. « L’âme humaine n’est pas un principe de peu d’importance dans l’enchaînement universel des causes et des effets, etc. » (Enn. III, liv. I, § 8, p. 15.)
  3. Voy. le fragment de Jamblique cité ci-dessus p. 16, note.
  4. Voy. Enn. III, liv. I, § 5, p. 10-13.
  5. « Engendrés par les différentes puissances de l’âme universelle pour l’utilité du Tout, les démons complètent et administrent toutes choses pour le bien général. » (Enn. III, liv. V, § 6, p. 113.)
  6. « La Providence universelle consiste en ce que l’univers est conforme à l’Intelligence suprême… L’Intelligence précède par sa nature le monde qui procède d’elle, dont elle est la cause, l’archétype et le paradigme. » (Enn. III, liv. II, § 1, p. 21.)
  7. Jamblique, en résumant la doctrine de Plotin sur la Providence et le Destin, s’exprime exactement dans les mêmes termes : « Les mouvements produits dans le monde sensible par le Destin sont semblables aux actes et aux mouvements immatériels et intellectuels du monde intelligible, et l’ordre du Destin offre l’image de l’ordre pur et intelligible. Les causes du second rang dépendent des causes supérieures, la multiplicité de la génération se rapporte à l’essence indivisible, de telle sorte que toutes les choses qu’embrasse le Destin sont liées à la Providence suprême. Le Destin est donc uni à la Providence par son essence même : il en tient son existence ; il en dépend et s’y rapporte, etc. » (Lettre à Macédonius sur le Destin, dans l’Appendice de ce volume.)