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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Il y a en lui des parties qui ont de l’affinité et d’autres qui sont en lutte[1] ; cependant, cette lutte concourt au concert que forme l’ensemble, comme la lyre est un système des sons dissonants et des sons consonants[2]. Or, l’unité qui résulte d’éléments opposés est appelée harmonie dans le monde comme dans la lyre[3]

Toute chose divine placée hors du monde sublunaire échappe aux enchantements. Car la nature de l’intelligence ne saurait être charmée ; il n’y a que ce qui pâtit qui puisse être charmé[4]. »

3. Saint Augustin, Cassiodore, Bossuet.

Saint Augustin. — Tout en combattant, comme les auteurs chrétiens de l’Église grecque, la doctrine de la métempsycose[5], saint Augustin a emprunté à Plotin le fond de sa psychologie. Ces emprunts, dont ce Père indique lui-même quelques-uns dans divers traités[6], sont faciles à reconnaître, parce qu’ils portent sur des théories qui sont propres à notre auteur.

Récapitulons en effet les citations que nous avons faites de saint Augustin dans ce volume, et nous allons y retrouver les idées fondamentales de la Psychologie de Plotin :

L’âme n’a point d’étendue (Voy. ci-dessus, p. 127, 255, 443, 444, 447) ; elle est présente tout entière dans le corps tout entier, comme le prouve la sympathie qui unit les organes (p. 257, 450) ; elle est présente au corps, sans être à proprement parler dans le corps (p. 305) ; elle est à la fois indivisible et divisible (p. 281)[7] ; elle est

  1. Voy. Enn. IV, liv. IV. § 32, p.385.
  2. On appelle sons dissonants l’aigu et grave. Comme exemple de consonance, on peut citer la quarte, ἡ ἐπιτρίτη (hê épitritê ?), composée de deux tons et d’un limma, etc. (Nic. Grégoras.) Voy. M. H. Martin, Études sur le Timée de Platon, t. I, p. 400.
  3. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 41 ; t. II, p. 399.
  4. Ibid., § 43, 44 ; p. 401-404.
  5. Voy. ci-dessus, p. 535.
  6. Voy. ci-dessus, p. 305, note 1, p. 546, et la note ci-dessous.
  7. Après la phrase que nous avons citée ci-dessus, p. 281, saint Augustin ajoute, en parlant de la propriété qu’a l’âme d’être à la fois indivisible et divisible : « Quæ autem subtilissime de hoc disputari possunt, ita ut non similitudinibus, quæ plerumque fallunt, sed rebus ipsis salis flat, ne in præsentia expectes : nam et concludendus est tam longus sermo, et multis aliis, quæ tibi desunt, animus ad hœc intuenda et dispicienda præcolendus est, ut possis intelligere liquidissime utrum, quod a quibusdam doctissimis viris dicitur, ita sese habeat, animam per seipsam nullo modo, sed tamen per corpus posse partiri. » (S. Augustin, De Quantitate animœ, 32.) Voilà bien le principe développé par Plotin dans le livre II de l’Ennéade IV. Par doctissimis viris, saint Augustin entend évidemment Plotin et Porphyre, comme nous l’avons dit ci-dessus (p. 305 et 546).