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QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRES III, IV, V.


-dire par celui qui a étudié la nature. Or, l’un a étudié une chose, l’autre une autre chose ; l’un sait plus, l’autre moins ; celui-ci peut lire des syllabes, par exemple, celui-là des mots ; cet autre, des phrases entières. Ainsi les sages prévoient l’avenir, les uns par la connaissance des astres, soit des planètes, soit des étoiles fixes ; d’autres, par l’inspection des entrailles des victimes ; d’autres encore par les cris, la position ou le vol des oiseaux[1]. On peut aussi assimiler à des lettres qui indiquent l’avenir les faits qu’on appelle ordinairement des présages, tels que des paroles, des rencontres fortuites, parce que toutes les choses sont les signes les unes des autres[2]. Il en résulte que, si les oiseaux avaient aussi quelque sagesse, ils auraient trouvé l’art de prévoir l’avenir d’après les hommes, ainsi que nous le prévoyons d’après eux : car nous sommes pour les oiseaux, comme ils le sont pour nous, tout à la fois nouveaux et anciens, et de bon augure. Comme l’univers est sympathique à lui-même et conspire avec lui-même, il fallait, ce semble, que ses parties eussent de l’affinité, puisqu’elles sont les membres d’un seul tout[3]. Peut-être les enchantements des magiciens n’ont-ils pas d’autre principe[4]. En effet, toutes les choses ont de l’attrait les unes pour les autres, de même qu’elles sont les signes les unes des autres, et le sage est celui qui connaît l’affinité qui existe entre les parties du monde. Une chose attire l’autre, ayant ce qui est près d’elle pour gage de ce qui est éloigné, et agissant par des sons, des matières et des figures[5]. Ainsi, lorsque nos entrailles souffrent, leur souffrance est partagée par un autre organe ; le mal du doigt est ressenti par l’âme, sans que ce qui les sépare éprouve rien : car ce sont deux parties d’un seul animal, et elles sympathisent l’une avec l’autre plus qu’avec les autres[6]. Il en résulte qu’un des dieux [démons] contenus dans le monde a de l’affinité avec une pierre ou une plante qui, en vertu de cette communauté d’affections, l’attire naturellement et l’enchante[7]….. Le monde n’est pas une simple unité, mais une unité constituée par une multiplicité[8].

  1. Voy. Enn. III, liv. I, § 5 ; t. II, p. 12.
  2. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 39 ; t. II, p. 395-397.
  3. Ibid., § 32, p. 381-386.
  4. Ibid., § 40, p. 397.
  5. Ibid., § 40. p. 398.
  6. Ibid., § 32. p. 385.
  7. Autre chose est la goëtie (γοητεία (goêteia)), autre chose la magie (μαγεία (mageia)), autre chose la pharmacie (φαρμαϰεία (pharmakeia)). La goëtie invoque certains démons matériels, impurs et méchants ; son nom vient de γόει (goei), gémissements, parce qu’elle fait des choses lamentables. La magie opère par des démons intermédiaires, matériels et immatériels. La pharmacie emploie des aliments ou des boissons. » (Nic. Grégoras.)
  8. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. IV, § 35 ; t. II, p. 390.