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TRAITÉ DE L’ÂME
PAR
PORPHYRE
CONTRE BOÉTHUS[1].

L’âme est immortelle parce qu’elle ressemble à Dieu.

I[2]. Voici un argument qui paraît excellent à Platon pour démontrer l’immortalité de l’âme : c’est celui qui se tire des semblables[3]. Si l’âme est semblable à l’être divin, immortel, invisible, indivisible, indissoluble, qui subsiste et demeure dans son incorruptibilité, comment n’appartiendrait-elle pas au genre qui est conforme à son modèle ? En effet, quand, en présence de deux extrêmes évidemment contraires, tels que l’être raisonnable et l’être irraisonnable, on discute auquel des deux genres appartient un autre être, il n’y a qu’une seule démonstration qui soit possible : c’est de faire voir auquel des deux extrêmes cet être est semblable. Ainsi, quoique le genre humain dans le premier âge ne possède pas encore la raison, et que beaucoup d’individus commettent jusqu’à leur vieillesse des fautes qui impliquent absence de raison, cependant, comme le genre humain a beaucoup de traits de ressemblance avec l’être purement raisonnable, il a été regardé comme raisonnable

  1. Boéthus est un philosophe stoïcien mentionné par Diogène Laërce, VII, 5143, 149.
  2. Ce fragment est tiré d’Eusèbe, Préparation évangélique, XI, 28.
  3. Cet argument, appelé par les Néoplatoniciens l’argument de la similitude, parce qu’il est fondé sur l’analogie qu’a l’essence de l’âme avec l’essence indissoluble, était considéré par tous les interprètes du Phédon comme le seul argument vraiment démonstratif. Voici comment il est résumé par Olympiodore : « On trouve dans l’homme l’âme et le corps. Or, de l’âme et du corps, c’est évidemment l’âme qui se rapporte le plus à l’essence identique à elle-même, permanente, indissoluble, etc., parce que l’âme est invisible, douée de pensée et qu’elle gouverne le corps. En effet, l’invisibilité, la pensée et le commandement conviennent plus à l’indissoluble que leurs contraires. L’âme, sous ce triple rapport, se rapproche donc plus que le corps de l’indissoluble ; elle est donc plus indissoluble que le corps, et par conséquent plus durable. » (Comm. sur le Phédon, dans Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 421).