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PORPHYRE.


dès l’origine. Le genre que forment les dieux étant évidemment pur et inaltérable, tandis que les êtres terrestres et tangibles sont périssables, si l’on demande dans quel genre il faut classer l’âme, Platon pense que pour résoudre la question on doit examiner à qui l’âme est semblable. Or, comme elle ne ressemble en aucune manière à l’être périssable, dissoluble, étranger à l’intelligence et à la vie, et par suite tangible, sensible, qui naît et meurt ; comme, au contraire, elle ressemble à l’être divin, immortel, invisible, intellectuel, essentiellement vivant, ayant de l’affinité pour la vérité, possédant enfin tous les attributs qu’on découvre dans l’âme ; il a paru impossible d’accorder à l’âme les autres caractères de similitude et de lui refuser en même temps la similitude d’essence, puisque les autres caractères de similitude sont précisément les conséquences mêmes de cette similitude d’essence[1]. Si les êtres qui diffèrent de Dieu par leurs actes en diffèrent aussi par la constitution de leur essence, il en résulte que les êtres qui participent aux mêmes actes doivent posséder aussi une essence semblable : car c’est la qualité de l’essence qui détermine la qualité des actes, puisque c’est de l’essence que les actes naissent et découlent.

II. Il faut une longue argumentation pour démontrer que l’âme est immortelle et à l’abri de la destruction[2]. Mais, il n’est pas besoin d’une savante discussion pour établir que, de tout ce qui se trouve en nous, l’âme est ce qui a le plus de ressemblance avec Dieu, non seulement à cause de l’activité constante et infatigable qu’elle nous communique, mais encore à cause de l’intelligence qu’elle possède. C’est cette considération qui a fait dire au physicien de Crotone [Pythagore] que, l’âme étant immortelle, l’inertie est contraire à sa nature, comme elle l’est à celle des corps divins [des astres]. Que l’on examine une bonne fois l’essence de notre âme, l’intelligence qui domine en nous, qui nous suggère souvent des réflexions et des désirs d’une nature si relevée, et l’on sera convaincu de la ressemblance qu’a notre âme avec Dieu.

III. Si l’on fait voir clairement que l’âme est de toutes choses celle qui a le plus de ressemblance avec Dieu, qu’est-il besoin d’avoir recours aux autres arguments pour démontrer son immortalité ? Ne suffit-il pas de mettre en avant cette preuve, qui à une valeur toute particulière, pour convaincre les gens de bonne foi que l’âme ne participerait pas aux actes qui conviennent à la divinité si

  1. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 10 ; t. II, p. 467.
  2. Porphyre fait ici allusion à l’argument des contraires, qui a excité dans l’antiquité une si vive et si longue controverse. Voy. M. Cousin, Fragments de Phil. anc., p. 410.