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TRAITÉ DE L’ÂME.


VII. Ce que d’autres philosophes ont dit sur l’âme me paraît honteux. N’est-il pas honteux en effet de dire que l’âme est l’entéléchie d’un corps naturel organisé ? N’est-il pas également honteux de faire consister l’âme dans un feu intelligent[1] ou dans un souffle qui a un certain caractère, souffle qui a été exposé au froid de l’air et trempé en quelque sorte par son contact[2] ; de supposer qu’elle est une agrégation d’atomes[3] ; en général, d’enseigner qu’elle est engendrée par le corps[4] ? (Opinion qui a été déclarée impie même dans les lois des impies[5].) Toutes ces opinions sont donc honteuses. Il n’en est point de même de celle qui définit l’âme une substance qui se meut elle-même[6].

Réfutation des Stoïciens.

VIII[7]. Ils osent appeler Dieu un feu intelligent (πῦρ νοερόν (pûr noeron))[8], et supposer en même temps qu’il est éternel. Ils disent que ce feu détruit et dévore tout comme le feu que nous connaissons, et ils combattent Aristote parce qu’il ne veut pas admettre que l’éther soit composé d’un feu semblable au nôtre. Quand on leur demande comment ce feu subsiste, puisqu’ils le font complètement semblable au nôtre, ils prétendent qu’on doit les croire sur parole, et, à la croyance irrationnelle que le feu est éternel, ils ajoutent encore cette hypothèse que le corps éthéré s’éteint et se rallume par

  1. C’est la définition d’Héraclite et des Stoïciens. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 4, p. 441.
  2. C’est la doctrine de Chrysippe. Voy. Plotin, ibid., § 4 et 8. p. 441, 457-458.
  3. C’est la doctrine de Démocrite et d’Épicure. Voy. Plotin, ibid., § 3, p. 438.
  4. Voy. Plotin, ibid., § 3 et 8, p. 439 et 460.
  5. Nous pensons que Porphyre fait ici allusion à un passage de sa Philosophie des oracles. Énée de Gaza l’attribue une expression presque identique. Voy. ci-après p. 686.
  6. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vii, § 9, p. 466.
  7. Eusèbe, Prép. évang., XV, 16.
  8. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vii, § 4 ; t. II, p. 441. Porphyre semble s’être ici inspiré aussi de Longin, qui fut son premier maître : « Qui ne s’indignerait à bon droit que Zénon et Cléanthe aient traité l’âme avec assez peu de respect pour soutenir qu’elle n’est qu’une exhalaison d’un corps solide ? Qu’y a-t-il de commun, grands Dieux, entre une exhalaison et l’âme ? Et comment pouvaient-ils, assimilant ainsi à ce phénomène physique notre âme et celle des animaux, conserver les imaginations, les souvenirs constants, les désirs et les volontés qui ont pour but l’intelligence des choses ? Est-ce que les Dieux aussi et ce Dieu suprême qui pénètre tout de sa vie, les choses terrestres et les choses célestes, seront considérés comme une exhalaison, une fumée, une vaine apparence ? etc. » (Longin, dans Eusèbe, Prép. évang., XV, 21.)