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PORPHYRE.


parties[1]. Mais qu’est-il besoin de nous étendre davantage, d’une part sur le défaut de jugement que ces philosophes montrent dans leur propre système, et d’autre part sur leur ignorance et leur mépris de la doctrine des anciens ?

Appréciation des diverses preuves de l’immortalité de l’âme.

IX[2]. Les preuves tirées soit des conceptions intellectuelles (ἐννοιαι (ennoiai))[3], soit de l’histoire[4], démontrent incontestablement que l’âme est immortelle, tandis que les arguments empruntés aux philosophes semblent faciles à renverser à cause de cette facilité d’élocution que tous déploient dans la controverse. Quelle est en effet la démonstration qui ne soit contestée par les sectateurs d’une autre école, puisque certains philosophes [les Pyrrhoniens] ont prétendu qu’il faut suspendre son assentiment, même pour les choses qui paraissent évidentes ?

  1. Boéthus, Posidonius et Panétius, qui se distinguèrent dans l’École stoïcienne par leur inspiration, abandonnèrent la doctrine de l’embrasement et de la palingénésie pour adopter la doctrine plus divine de l’indestructibilité du monde. » (Philon, De l’indestructibilité du monde.)
  2. Eusèbe, Préparation évangélique, XIV, 10.
  3. Voy. ci-dessus, § ii, iii, v.
  4. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 15. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles Porphyre avait composé sa Philosophie des oracles. Simplicius fait sur ce sujet des réflexions pleines de justesse : « Faut-il nous abstenir complètement de consulter les devins sur ce qui dépend de nous, pour savoir, par exemple, si nous devons admettre que l’âme est mortelle ou immortelle, si nous devons prendre pour maître tel ou tel philosophe ? car plusieurs des anciens paraissent avoir consulté les oracles sur la nature, quoique nous disions qu’il dépend de nous et qu’il est en notre pouvoir de nous former une opinion sur ce sujet. Selon nous, toutes les fois qu’une chose peut être prouvée d’une manière rationnelle, il vaut mieux l’apprendre par raison démonstrative : car, si la démonstration est tirée de la cause, nous aurons une connaissance scientifique. Or, que Dieu nous assure que l’âme est immortelle, cela nous donne bien la loi, mais ne nous donne point la science. Que Dieu daigne apprendre à quelqu’un les causes et lui donner la science, c’est de sa part une autre espèce de bonté ; mais elle n’a rien de commun avec la divination : car celle-ci se borne à prédire les issues des actions lorsqu’elles sont incertaines et que toute notre intelligence ne saurait les prévoir. C’est pourquoi, s’il y a eu des hommes qui aient consulté les oracles sur la nature, ils ont été peu nombreux ; ce n’étaient point d’ailleurs des philosophes distingués, mais des gens plus accoutumés à croire qu’à savoir. La volonté de Dieu paraît être que l’âme, se mouvant par elle-même, trouve aussi par elle-même la vérité. » (Comm. sur le Manuel d’Épictète, § xxxii.)