essaierons de composer sur ces opinions un Traité qui fasse connaître la vérité[1].
Quelques-uns des Physiciens composent l’âme par la combinaison des contraires, du chaud et du froid, du sec et de l’humide : ils prétendent que la vie (τὸ ζῆν (to zên)) doit son nom à ce qu’elle est mise en ébullition par la chaleur (ἀπὸ τὸ ἀναζεῖν ὑπὸ τοῦ θερμοῦ (apo to anazein hupo tou thermou)), et l’âme (ψῦχὴ (psuchê)), à ce qu’elle est rafraîchie par le froid (ψῦχος (psuchos))[2] ; ils croient que dans les deux cas l’âme est l’air qu’on respire, comme le dit Aristote[3] en citant les vers d’Orphée sur la nature, d’après lequel l’âme vient de l’univers et entre en nous, quand nous respirons,
- ↑ Sur cette phrase, Voy. ci-dessus, p. 613. Jamblique annonce ici son Commentaire du Traité d’Aristote sur l’Âme.
- ↑ Voy. Platon, Cratyle, t. XI, p. 48 de la trad. de M. Cousin.
- ↑ Voy. Aristote, De l’Âme, I, 5, p. 155 de la trad. fr.
le Désir rationnel, l’Appétit irascible et l’Appétit concupiscible, soit cognitives, comme l’Intelligence, la Raison, l’Opinion, l’Imagination, la Sensation, soit naturelles (ces facultés occupent le dernier rang). Dans le livre III, après avoir dit que notre âme, en sa qualité de raisonnable, tient le milieu entre les êtres les plus élevés et les êtres les plus bas, Aristote l’assimile tantôt à l’âme sensitive, tantôt à l’âme intellectuelle ; tantôt il l’abaisse à la Sensibilité, tantôt il l’élève à l’Intelligence, dont elle est alors l’image ; tantôt il la représente comme ramenée à l’indivisibilité, autant que cela est possible, et demeurant en elle-même, quand elle imite l’Intelligence qui lui est supérieure ; tantôt il la dépeint sortant d’elle-même en quelque sorte, par son inclination vers ce qui est hors d’elle, et, par cet acte de procession, arrivant être divisible, sans perdre cependant d’une manière complète les propriétés opposées : car, en se divisant, elle aspire en même temps à l’indivisibilité ; en s’avançant vers ce qui est hors d’elle, elle opère aussi une conversion vers elle-même ; en s’éloignant d’elle-même, elle ne cesse pas cependant de demeurer en elle, quoiqu’elle soit affaiblie quand elle incline vers ce qui est hors d’elle. Ainsi, notre âme change tout à la fois et demeure ce qu’elle est, parce qu’elle occupe un rang intermédiaire entre les êtres immuables et les êtres muables, qu’elle participe également aux propriétés des uns et des autres. En effet, elle est indivisible et elle se divise ; elle est non-engendrée et elle devient ; elle s’altère sous un certain rapport, et elle demeure inaltérable. C’est pourquoi nous n’admettrons pas, comme le fait Plotin [Enn. IV, liv. VIII, § 8], qu’une partie de notre âme demeure toujours immuable et pure ; nous n’admettrons pas non plus que notre âme descende complètement dans la génération ; mais nous démontrerons qu’elle descend tout entière, et qu’en même temps elle demeure distincte du corps, tout en s’abaissant aux choses qui tiennent le second rang. Au reste, l’ensemble de notre Commentaire éclaircira ces idées, qui sont la doctrine même d’Aristote et qui ont été parfaitement expliquées par Jamblique. » (Comm. sur le Traité de l’Âme, préface.)