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TRAITÉ DE L’ÂME.


pure, sans pâtir, sans être privées de la faculté de penser. Le contraire a lieu pour les âmes impures et imparfaites.

Atticus et d’autres Platoniciens ne partagent pas cette opinion et ils lient toutes les âmes aux corps par un seul mode d’union : dans toute incarnation des âmes, ils regardent toujours comme préexistante l’âme irraisonnable, désordonnée et incorporée à la matière[1] ; puis, lorsqu’elle a été ornée, ils l’unissent à l’âme raisonnable.

Les descentes des âmes diffèrent aussi par leurs buts. En effet, l’âme qui descend pour le salut, la purification et la perfection des êtres d’ici-bas, garde sa pureté ; celle qui se tourne vers les corps pour s’exercer et corriger ses mœurs n’est point complètement impassible ni entièrement indépendante ; quant à celle qui vient ici-bas par punition et par suite d’un jugement, elle semble être entraînée et subir une contrainte[2]. Quelques modernes cependant ne font pas cette distinction. N’établissant pas de différence entre les âmes, ils les font descendre toutes de la même manière et les regardent toutes également comme mauvaises : telle est l’opinion de Cronius, de Numénius et d’Harpocration.

Il faut aussi considérer que les vies des âmes, avant leur descente dans un corps, ont de grandes différences entre elles[3]. Or, la diversité de leurs vies produit une grande diversité dans leur première union avec un corps. En effet, les âmes nouvelles et livrées à la contemplation des êtres, les âmes compagnes des dieux et ayant la même nature qu’eux, enfin les âmes parfaites et renfermant en elles-mêmes toutes les formes de l’âme s’unissent toutes pour la première fois à des corps sans pâtir ni contracter de souillure. Mais les âmes remplies de concupiscence et d’autres passions pâtissent lorsqu’elles descendent pour la première fois dans un corps.

De la Vie de l’âme dans le corps.

XIII[4]. Selon Hippocrate, de la famille des Asclépiades, la vie est réellement communiquée au corps et l’âme y devient présente quand le fœtus est formé (parce qu’il est dès lors apte à participer à la vie)[5] ; selon Porphyre, c’est dès que l’embryon est engendré. Il y a encore une autre opinion, qui n’a pas été énoncée jusqu’ici,

  1. Voy. ci-dessus, p. 644, note 4.
  2. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. IV, § 45.
  3. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. III, § 12 et 15.
  4. Stobée. Eclogœ physicœ, lii, § 37, p. 912.
  5. Voy. Plutarque, de Placitis philosophorum, V, 21.