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JAMBLIQUE.


d’après laquelle l’âme, possédant plusieurs facultés et plusieurs essences, les communique au corps dans le temps convenable, a mesuré que celui-ci devient apte à les recevoir, d’abord la puissance naturelle, puis la sensibilité et l’appétit, ensuite l’âme raisonnable, enfin l’âme intellectuelle[1]. Telles sont les diverses opinions sur les époques auxquelles s’opère l’union de l’âme et du corps.

Quant à la question de savoir comment l’âme entre dans le corps, d’après une première opinion, qui se subdivise elle-même en trois autres, l’âme est attirée du dehors au moment de la conception, soit par l’ardeur du père au moment où il respire, soit par l’ardeur de la mère quand elle est bien disposée pour garder [le souffle vital] qu’elle reçoit, soit par la communauté d’affection du père et de la mère quand, respirant ensemble, ils ont tous deux la propriété d’attirer également parce que leurs natures se confondent ensemble[2]. — D’après une seconde opinion, c’est par une loi fatale que l’âme qui se meut par elle-même entre dans le corps organisé, en se détachant soit de l’univers, soit de l’Âme universelle, soit de la Démiurgie universelle[3]. Les plus purs des Platoniciens, comme Plotin, disent que, dans les individus, le mouvement vital commence par le corps organisé[4], soumis pour la génération aux facultés qui se servent de lui comme d’instrument, mais que ces facultés sont séparables des corps individuels[5].

La manière même dont l’âme se sert du corps a été conçue diversement. Les uns la comparent à la fonction du pilote qui peut se séparer de son navire[6] ; d’autres croient plus convenable de l’assimiler à la fonction du cocher qui, monté sur un char, dirige la

  1. Ce passage est reproduit par Michel Psellus, De Omnifaria doctrina, § 42.
  2. « Illud etiam ambiguam inter auctores fecit opinion utrumne ex patris tantummodo semine partus nasceretur, ut Diogenes et Hippon Stoicique scripserunt ; au et id ex matris, quod et Anaxagoræ et Alcmæoni necnon Parmenidi Empedoclique et Epicuro visum est. » (Censorinus, De Die natali, 11.)
  3. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. III, § 13.
  4. Selon Plotin, l’âme descend dans le corps lorsque son organisation est déjà ébauchée. Voy. les Éclaircissements du tome 1, p. 476.
  5. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 8, fin.
  6. Nous lisons ἀπολύεσθαι (apoluesthai) au lieu d’ἀπόλλυσθαι (apollusthai) ; Jamblique a dit plus haut que les facultés sont séparables, ἀπόλυτοι (apolutoi), et la même idée se trouve exprimée dans le passage de Plotin auquel il est fait ici allusion : « L’âme est-elle dans le corps comme le pilote est dans le navire ? Cette comparaison est bonne pour exprimer que l’âme a la faculté de se séparer du corps. » (Enn. IV, liv. III, § 21.) Cette comparaison, ainsi que celle du cocher, avait été employée précédemment par Platon. Voy. ci-dessus, p. 640, note 4.