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TRAITÉ DE L’ÂME.

marche commune ; d’autres enfin expliquent l’empire que l’âme a sur le corps par le concours égal de tous deux ou par le penchant de l’âme qui incline vers le corps[1].

XIV[2]. Il y a aussi désaccord au sujet du commerce des âmes avec les dieux[3]. Les uns regardent comme impossible qu’il y ait commerce entre les dieux et les âmes renfermées dans des corps ; les autres prétendent que les dieux et les âmes pures, même lorsqu’elles demeurent dans des corps, ne forment qu’une seule et même cité[4]. Ceux-ci n’accordent rien de pareil et disent que l’âme est dans l’animal comme une partie est dans un tout[5]. Ceux-là comparent l’âme à un artisan qui serait incorporé à son instrument, à un pilote qui serait incarné dans son gouvernail[6]. Enfin, il en est qui pensent que l’âme ne s’unit qu’avec les démons et les héros.

Selon Platon, les bons se distinguent des méchants par la pureté, l’élévation et la perfection de leur âme[7]. Selon les Stoïciens, ils recherchent la convenance et le beau qui dépend de la nature[8] ; selon

  1. C’est par l’inclination de l’âme pour le corps que Porphyre explique leur rapport (Principes de la théorie des intelligibles, § XVII, XVIII, t. I, p. LXIII).
  2. Stobée, Eclogæ physicæ, LII, § 38, p. 916.
  3. La sagesse, qui commande aux autres vertus, naît de l’intelligence pure et parfaite ; ayant pour origine l’intelligence, elle la contemple, reçoit d’elle sa perfection, trouve en elle la mesure et le modèle excellent de tous les actes qu’elle produit en elle-même. S’il existe quelque commerce entre nous et les dieux, c’est principalement par cette vertu qu’il s’opère. C’est par elle surtout que nous leur devenons semblables. » (Jamblique, dans Stobée, Florilegium, tit. III, § 55.)
  4. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, § 3. C’est une idée empruntée aux Stoïciens. Voy. Eusèbe, Prép. évang., XV, 16.
  5. Plotin examine cette comparaison dans l’Enn. IV, liv. III, § 20.
  6. Ibid., § 21.
  7. Dans de courts fragments cités par Stobée (Florilegium, tit. XXI, § 58, 60 ; tit. CIII, § 23, éd. Gaisford), Jamblique développe ainsi son opinion sur la vertu et le souverain bien : « Vivant par l’âme, c’est par sa vertu que nous vivons bien, de même que, voyant par les yeux, c’est par leur vertu que nous pouvons bien voir… La vertu de l’âme est la perfection et la sagesse de la vie, l’exercice le plus complet et le plus pur de la raison, de l’intelligence et de la pensée. Les actes de la vertu sont bons, beaux, intellectuels, honnêtes, pleins de mesure et de convenance ; ils tiennent le premier rang, ont un but excellent et procurent les plus douces jouissances… L’homme heureux est celui qui ressemble à Dieu le plus possible, qui est parfait, simple, pur et détaché de la vie humaine. »
  8. τῇ ϰοινωνία ϰαὶ τῷ ϰάλῳ τῷ τῆς φύσεως ἐξηρτημένῳ (tê koinônia kai tô kalô tô tês phuseôs exêrtêmenô). Le sens de ϰοινωνία (koinôia) est expliqué par le passage suivant de Cicéron : « Simul autem [homo] vidit rerum agendarum ordinem et, ut ita dicam, concordiam ;… ratione collegit ut statueret in eo collocatum summum illud hominis per se laudandum et expetendum bonum, quod positum