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JAMBLIQUE.


portent à des objets matériels, à se remplir de l’Être et de l’Intelligence, et à rendre le sujet pensant semblable au sujet pensé[1]. Quelques-uns d’entre les Platoniciens disent encore souvent que la purification se rapporte à l’âme irrationnelle et à l’opinion, mais que l’essence rationnelle et l’âme intellectuelle sont toujours élevées au-dessus du monde, attachées aux intelligibles et n’ont jamais besoin de se perfectionner ni de s’affranchir de choses superflues.

Examinons par quels êtres est accompli chacun de ces trois actes, le jugement, le châtiment et la purification des âmes[2].

Si l’on en croit la plupart des Pythagoriciens et des Platoniciens, c’est par les âmes particulières elles-mêmes que ces actes sont accomplis ; mais, selon ceux de ces philosophes qui ont le mieux étudié la question, c’est par les âmes universelles et parfaites, par l’Âme universelle qui préside à l’ordre de l’univers[3], par l’Intelligence royale qui donne au monde entier toute sa beauté ; selon les anciens, c’est par les dieux visibles [les astres], principalement par le soleil, par les principes démiurgiques invisibles, par tous les genres d’êtres supérieurs, les héros, les démons, les anges et les dieux qui président eux-mêmes à la constitution de l’univers.

Quel est le but en vue duquel ces êtres réalisent ces actes ?

Le but du jugement est d’affranchir de tout mélange la pureté des hommes vertueux, de distinguer la perfection de ceux qui ont une beauté accomplie en les séparant autant que possible de toute imperfection, enfin d’exalter au plus haut degré l’excellence des âmes supérieures, excellence dont rien d’inférieur ne saurait approcher. Mais ceux qui ne partagent pas là-dessus l’opinion des anciens[4] ne regardent pas comme principaux effets du jugement ceux que nous venons d’énoncer ; ils font plutôt consister son utilité dans le bon ordre, la distinction du bien et du mal, et toutes choses de ce genre.

  1. Voy. Plotin, Enn. I, liv. II ; et Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § 1, t. I, p. LI. Voy. aussi le passage de Proclus cité ci-dessus, p. 640, note 6.
  2. ϰρίσις, δίϰη, ϰάθαρσις (krisis, dikê, katharsis). Ce sont les termes mêmes employés par Platon dans le Phédon, le Phèdre et la République. Nous en faisons la remarque parce que Heeren n’a point compris le sens de ces trois mots, autant qu’on en peut juger par les explications qu’il donne dans ses notes sur le § XVI.
  3. Voy. Plotin. Enn. II, liv. III, § 8 ; Enn. III, liv. II, § 13 ; Enn. IV, liv. III, § 12, 24 et liv. viii, 5.
  4. Il y a ici une faute dans le texte d’Heeren et dans la traduction de Canter. Il faut lire οὐδέποτε δὲ ϰατὰ ταὺτὰ (oudepote de kata tauta) (eadem) τοῖς παλαιοτέροις ἀρεσϰει αὐτῆς (tois palaioterois areskei autês), au lieu de ταῦτα (tauta) (ea). La même idée est répétée plusieurs fois ci-après.