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TRAITÉ DE L’ÂME.


Le but du châtiment est de faire prévaloir le bien sur le mal, de réprimer le vice, de le détruire et de l’anéantir, de réaliser pour tous une égalité conforme au mérite[1]. Au lieu de suivre à cet égard la doctrine des anciens, certains philosophes croient que l’utilité de la peine consiste à établir l’égalité en infligeant un châtiment aussi grand ou plus grand que la faute ; d’autres, à soumettre le coupable à la loi du talion, d’autres encore à corriger le vice, etc. : car il y a sur ce point une grande diversité d’opinions parmi les Pythagoriciens et les Platoniciens.

Quant à la purification, elle a pour but de délivrer l’âme des choses étrangères, de lui rendre son essence propre, de lui donner la perfection, la plénitude, l’indépendance[2], de lui faciliter son retour (ἄνοδος (anodos)) au principe qui l’a engendrée[3], de conduire les substances particulières à s’unir aux substances universelles et à participer à leur puissance, à leur vie et à leur fonction[4]. Ceux qui n’admettent pas avec les anciens que ce soient là les effets véritablement importants de la purification lui assignent pour but de séparer l’âme du corps, de la délivrer de ses chaînes, de l’affranchir de la corruption, de la faire sortir de la génération, ou d’atteindre quelque autre résultat aussi borné, qu’ils regardent comme supérieur au reste. C’est ainsi que beaucoup de Pythagoriciens et de Platoniciens sont en désaccord sur ce point.

Fixons les limites de ces trois choses [du jugement, du châtiment et de la purification], et voyons où se termine chacune d’elles. Les âmes sont soumises au jugement tant qu’elles sont placées dans la génération, qu’elles ne sortent pas de l’univers et qu’elles sont en quelque sorte mêlées à la diversité[5] ; mais, dès qu’elles sont sorties [de la génération], affranchies, pures, complètement indépendantes, maîtresses d’elles-mêmes, remplies des dieux, elles cessent d’être soumises au jugement. Cependant, les Pythagoriciens et les Platoniciens ne suivent pas ici la doctrine des anciens et soumettent toutes les âmes au jugement. — Il en est de même pour le châtiment. Les anciens placent au nombre des dieux, même lorsqu’elles sont encore ici-bas, les âmes pures et unies avec les dieux

  1. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 45.
  2. « La purification consiste à séparer le plus possible l’âme du corps, à l’habituer à se concentrer et à demeurer en elle-même, etc. » (Jamblique, Exhortation à la philosophie, ch. XIII.)
  3. Porphyre avait composé sur ce sujet un écrit intitulé Du Retour de l’âme.
  4. « Affranchi de la nature irrationnelle et demeurant dans l’intelligence, l’homme devient semblable à Dieu, etc. » (Jamblique, Exhortation à la philosophie, ch. VI.)
  5. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, § 5.