des lettres, γράμματα (grammata). Il s’est servi de ce terme pour faire comprendre que l’âme des enfants, qui est l’Intelligence en puissance, possède les raisons des choses. C’est pourquoi, s’il a comparé leur âme à une tablette, c’est qu’elle possède les raisons des choses, comme une tablette, γραμματεῖον (grammateion), contient des lettres, γράμματα (grammata). Si Aristote dit : où il n’y a rien d’écrit, ἀγράφῳ (agraphô), il entend par là : où il n’y a rien d’écrit lisiblement, parce que les lettres ne sont pas nettes et lisibles[1] ; comme on dit qu’un tragédien n’a pas de voix, ἄφωνος (aphônos), quand il n’a pas assez de voix, ϰαϰόφωνος (kakophônos). Ainsi, Aristote pense comme Platon que l’âme contient les intelligibles et les raisons de toutes choses, et qu’apprendre, c’est se souvenir. (Fragment cité par Jean Philopon[2], Comm. sur le Traité de l’Âme, III, § 46.)
- ↑ C’est la théorie développée par Leibnitz dans la préface de ses Nouveaux Essais.
- ↑ M. Barthélemy Saint-Hilaire attribue par mégarde cette théorie de Jamblique à Jean Philopon, qui se borne à citer Jamblique et ajoute seulement cette réflexion : « Jamblique dit ces choses pour montrer qu’Aristote est ici d’accord avec Platon. » L’idée fondamentale de ce fragment de Jamblique est empruntée à Plotin : « Nous n’usons pas toujours de tout ce que nous possédons. Or nous en usons quand nous dirigeons la partie moyenne de notre être [la raison discursive avec l’imagination] soit vers le monde supérieur, soit vers le monde inférieur, quand nous amenons à l’acte ce qui jusque-là n’était qu’en puissance, ce qui n’était qu’une simple disposition. » (Enn. I, liv. I, § 11.) La théorie de Jamblique a été elle-même reproduite par Plutarque d’Athènes : « Le mot Intelligence a trois sens dans Aristote. Ces trois sens ne sont pas les mêmes pour Alexandre d’Aphrodisie et pour Plutarque… Plutarque dit que le premier sens du mot Intelligence est l’Intelligence qui consiste dans une simple habitude, telle qu’elle est dans les enfants : car Plutarque prétend que, selon Aristote, les enfants possèdent les raisons des choses, que l’âme raisonnable a des notions de tout, qu’apprendre n’est que se souvenir ; c’est pourquoi Plutarque accorde aux enfants l’Intelligence qui consiste dans une simple habitude et qui possède les raisons des choses. Mais ils ne connaissent pas bien les choses, ajoute-t-il, et ils ont besoin d’apprendre, c’est-à-dire, de se souvenir. Le deuxième sens est l’Intelligence qui est à la fois en habitude et en acte, telle qu’elle est dans les hommes faits : car en eux l’Intelligence est à la fois une habitude et un acte ; elle a étudié et appris, et s’est rappelé les choses en les apprenant. Enfin, le troisième sens est l’Intelligence qui est seulement en acte : telle est l’Intelligence qui vient du dehors et qui est parfaite [c’est-à-dire l’Intelligence divine]. Tels sont les trois sens du mot Intelligence selon Plutarque. » (Jean Philopon, Comm. sur le Traité de l’Âme. III, § 33.) L’accord de Jamblique et de Plutarque sur ce point est attesté en ces termes par Priscien : « Puisque l’Intelligence en puissance contemple les formes, comme le