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COMMENTAIRE DU TRAITÉ D’ARISTOTE SUR L’ÂME.



    la permanence, la perfection ; qu’elle détermine toutes choses et en est la cause. Il nous reste donc maintenant à dire ce qu’est l’Intelligence participée par nos âmes : car il y a une Intelligence particulière participée par chaque âme raisonnable… Aristote parle donc ici de l’âme raisonnable, mais non de l’Intelligence participée par elle au premier degré. On peut, comme nous l’avons dit, s’élever de cette intelligence inférieure [qui est l’âme raisonnable] à cette Intelligence participée, dont la condition diffère de celle de l’âme : car l’âme, ayant son essence et sa vie déterminées par l’Intelligence participée, change et demeure tout à la fois, descend vers les choses du second degré et remonte à l’essence pure et séparée de la matière, tandis que l’Intelligence participée, demeurant toujours ce qu’elle est, détermine les divers états de l’âme ; c’est ainsi que la puissance de la Nature, qui détermine les choses engendrées, peut, tout en restant indivisible et en demeurant ce qu’elle est, déterminer les choses divisibles et changeantes. « Mais, dit-il [dit Jamblique], l’Intelligence est l’essence supérieure à l’âme ; or, Aristote parle ici de l’Intelligence et non de l’Essence raisonnable. Comment admettre cependant qu’Aristote, dans son Traité de l’Âme, ne parle point de la Raison, qui est la plus haute faculté de l’âme ?… Aristote appelle proprement Intelligence la Raison qui appartient à l’âme, parce que la liaison est immédiatement déterminée par l’Intelligence ; il la regarde comme une faculté précieuse, parce qu’elle ne considère pas les choses sensibles en tant que sensibles, mais qu’elle contemple, soit les formes des choses sensibles en tant qu’elles peuvent être connues dans leur essence, soit les formes qui subsistent dans l’essence rationnelle, ou bien s’élève par elles aux formes intelligibles. Alors la Raison devient l’Intelligence en acte : car elle connaît les choses intelligibles et non les choses sensibles en tant que sensibles, telles que les perçoit la sensation ; dans ce dernier cas, elle est seulement l’Intelligence en puissance… Considérons maintenant comment nous pourrons concilier notre opinion avec celle du divin Jamblique, qui par Intelligence en puissance et Intelligence en acte entend l’Intelligence supérieure à l’âme, soit l’Intelligence qui détermine l’âme [l’Intelligence participée], soit l’intelligence imparticipable, tandis que nous croyons que, dans la pensée d’Aristote, l’Intelligence en puissance et l’Intelligence en acte appartiennent à l’essence de l’âme, comme nous l’avons longuement expliqué ci-dessus en nous servant des termes mêmes d’Aristote. Nous ne voudrions pas contredire Jamblique : nous tâcherons donc de concilier, autant que nous le pourrons, son opinion avec la nôtre, etc. (Comm. du Traité de l’Âme, f. 61, 62. 88. éd. d’Alde.) Le passage d’Aristote dont Simplicius discute ici le sens a donné lieu à des interprétations fort diverses ; on en trouvera l’énumération dans Jean Philopon (Comm. sur le Traité de l’Âme, III, § 50). L’opinion de Jamblique paraît conforme à celle d’Alexandre d’Aphrodisie, et l’opinion de Simplicius se rapproche de celles de Plotin et de Plutarque d’Athènes ; mais Plutarque et Simplicius n’admettent pas, comme le fait Plotin, qu’il y ait dans l’âme quelque chose qui pense toujours. Voy. ci-dessus, p. 631, note 5, et p. 631, note 2.