Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
CINQUIÈME ENNÉADE.


l’Intelligence ne se voit-il pas ? — Non : il n’a pas besoin de se voir. Mais nous traiterons cela plus loin.

Revenons maintenant à notre question qui est de la plus grande importance. Nous le répétons : l’Intelligence a besoin de se contempler elle-même, ou plutôt elle possède continuellement cette contemplation ; elle voit d’abord qu’elle est multiple, ensuite qu’elle implique une différence, enfin qu’elle a besoin de contempler, de contempler l’intelligible, et qu’elle a pour essence de contempler. En effet, toute contemplation suppose un objet ; sinon, elle est vide. Il faut donc qu’il y ait plus qu’une unité pour que la contemplation soit possible ; il faut que la contemplation s’applique à un objet, et que cet objet soit multiple : car ce qui est simple n’a pas d’objet sur lequel il puisse diriger son action, mais reste silencieux dans sa solitude. Dès qu’il y a action, il y a différence. Sans cela, à quoi s’appliquerait l’action ? Quel serait son but ? Il faut donc que le principe qui agit dirige son action sur une chose autre que lui-même, ou soit lui-même multiple pour diriger son action sur lui-même. En effet, s’il ne dirige son action sur rien, il se reposera, et s’il se repose, il ne pensera pas. Il faut donc que le principe pensant, quand il pense, soit dualité. Que les deux termes soient extérieurs l’un à l’autre, ou qu’ils soient unis, la pensée implique toujours identité et différence[1]. En général, les intelligibles doivent être à la fois identiques à l’Intelligence et différents d’elle. En outre, chacun d’eux doit renfermer aussi en lui-même identité et différence. Sans cela, quel sera l’objet de la pensée, si l’intelligible ne renferme aucune diversité ? Si l’on admet que chaque intelligible ressemble à une raison [séminale], il est multitude. Chaque intelligible se connaît donc lui-même comme étant un œil varié, ou bien un objet

  1. Le P. Thomassin cite ce passage et le rapproche des paragraphes 12, 15 et 16, dans ses Dogmata theologica, t. I, p. 69.