Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
CINQUIÈME ENNÉADE.


encore en acte. En émanant de l’Un, elle avait en elle ce qu’elle a rendu multiple. Elle aspirait vaguement à un objet autre qu’elle-même, et en même temps elle avait en elle une sorte de représentation de cet objet ; elle possédait ainsi en elle une autre chose qu’elle a rendue multiple : car elle avait en elle une espèce d’empreinte produite par la contemplation [de l’Un] ; sinon, elle ne recevrait pas l’Un en elle. C’est ainsi que l’Intelligence, en naissant de l’Un, est devenue multiple, et, possédant la connaissance, s’est contemplée elle-même ; elle est devenue alors la vue en acte. L’Intelligence n’est vraiment intelligence que lorsqu’elle possède son objet, et qu’elle le possède comme intelligence. Auparavant, elle n’est qu’une aspiration, qu’une vue informe : en s’appliquant à l’Un et en le saisissant, elle devient intelligence. Or, toujours elle reçoit l’Un, toujours elle est intelligence, essence, pensée, du moment qu’elle pense. Antérieurement, elle n’est pas encore la pensée puisqu’elle ne possède pas l’intelligible, elle n’est pas encore l’intelligence puisqu’elle ne pense pas.

Ce qui est au-dessus de ces choses est leur principe sans leur être inhérent. Le principe d’où les choses procèdent (τὸ ἀφ’ οὖ (to aph’ ou)) ne peut leur être inhérent ; cela n’est vrai que des éléments qui les constituent (ἐξ ὦν (ex ôn)). Le principe dont procèdent toutes choses [l’Un] n’est aucune d’elles ; il diffère de toutes. L’Un n’est donc aucune des choses de l’univers ; il est antérieur à toutes choses, par conséquent, il est antérieur à l’Intelligence, puisque celle-ci embrasse toutes choses dans son universalité. D’un autre côté, comme les choses qui sont postérieures à l’Un sont universelles et qu’il est ainsi antérieur aux choses universelles, il ne doit pas être l’une d’elles. Ne l’appelle donc ni Intelligence ni Bien, si par Bien tu désignes quelque objet compris dans l’univers ; ce nom ne lui convient que s’il indique qu’il est antérieur à tout. Si l’Intelligence n’est intelligence que parce qu’elle est multiple ; si la pensée, quoique l’Intelligence la trouve en