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LIVRE TROISIÈME.


— Nous pouvons énoncer quelque chose de lui, mais non l’énoncer lui-même par la parole. Nous ne saurions le connaître ni le saisir par la pensée. — Comment donc en parlons-nous puisque nous ne le saisissons pas ? — C’est que, s’il échappe à notre connaissance, il ne nous échappe pas complètement. Nous l’embrassons assez pour énoncer quelque chose de lui sans l’énoncer lui-même, pour dire ce qu’il n’est pas, sans dire ce qu’il est ; voilà pourquoi nous employons en parlant de lui des termes qui ne sont propres à désigner que des choses inférieures. Nous pouvons d’ailleurs l’embrasser (ἔχειν (echein)) sans être cependant capables de l’énoncer, semblables aux hommes qui, transportés par un enthousiasme divin, sentent qu’ils ont en eux quelque chose de supérieur sans pouvoir s’en rendre compte. Ils parlent de ce qui les agite, et ils ont ainsi quelque sentiment de celui qui les émeut, quoiqu’ils en diffèrent. Telle est à peu près notre relation avec Lui : quand nous nous élevons à Lui en faisant usage de l’intelligence pure, nous sentons qu’il est le fond de l’intelligence, le principe qui donne l’essence et les autres choses de cet ordre ; nous sentons qu’il est meilleur, plus grand et plus relevé que l’être, parce qu’il est supérieur à la raison, à l’intelligence et aux sens, qu’il donne ces choses sans être ce qu’elles sont.

XV. Comment les donne-t-il ? Est-ce parce qu’il les possède ou parce qu’il ne les possède pas ? Si c’est parce qu’il ne les possède pas, comment donne-t-il ce qu’il n’a pas ? Si c’est parce qu’il les possède, il n’est plus simple. S’il donne ce qu’il n’a pas, comment de lui naît le multiple ? Il semble qu’une seule chose puisse procéder de lui, l’un ; encore se demandera-t-on comment de ce qui est absolument un peut naître quelque chose. — C’est, répondrons-nous, de la même manière que d’une lumière rayonne une sphère lumineuse (περίλαμψις (perilampsis))[1]. Mais comment de l’Un

  1. Ce terme rappelle celui de fulguration employé par Leibnitz.