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LIVRE TROISIÈME.


les renfermant sans qu’aucune distinction se soit encore opérée entre elles. Dans le second principe, au contraire, elles sont distinguées par la raison (elles sont logiquement distinctes, (διεϰέϰριτο τὸ λόγῷ (diekekrito to logô)), parce que ce second principe est un acte (ένέργεια (energeia)), tandis que le Premier est la puissance de toutes choses (δύναμις πάντων (dunamis pantôn)), non dans le sens où l’on dit que la matière est en puissance pour indiquer qu’elle reçoit, qu’elle pâtit, mais dans le sens opposé pour dire que l’Un produit (τῷ ποιεῖν (tô poiein)). Comment l’Un produit-il ce qu’il ne possède pas, puisque ce n’est ni par hasard, ni par réflexion qu’il produit ? Nous avons dit que ce qui procède de l’Un doit en différer, par conséquent n’être pas absolument un, être dualité, par suite multitude, puisqu’il renfermera identité et différence, qualité, etc.[1]. Nous avons démontré que ce qui est né de l’Un n’est pas absolument un. Il nous reste à voir s’il est le multiple, tel qu’on le contemple dans ce qui procède de l’Un. Nous avons à considérer aussi pourquoi il en procède nécessairement.

XVI. Il a été démontré ailleurs qu’il doit y avoir quelque chose après l’Un, que l’Un est une puissance et une puissance inépuisable : ce qui le prouve, c’est que les choses placées même au dernier rang ont la puissance d’engendrer. Pour le moment, remarquons que la génération des choses offre une procession descendante (πρὸς τὸ κάτω χωρεῖν (pros to katô chôrein), que plus on s’avance, plus la multiplicité augmente, que le principe est toujours plus simple que les choses qu’il produit[2]. Donc, ce qui a produit le monde sensible n’est pas le monde sensible, mais l’Intelligence, le monde intelligible ; et

  1. Voy. ci-dessus, liv. i, § 4, p. 1.
  2. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxvi, p. lxviii. On retrouve les mêmes idées exprimées dans les mêmes termes par Ibn-Gébirol : « Plus la substance descend, plus elle devient multiple, et plus elle monte, plus elle prend le caractère de l’unité, de sorte