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CINQUIÈME ENNÉADE.


des degrés divers, parce que les nombres postérieurs à l’unité participent d’elle inégalement ; de même, les êtres inférieurs au Premier ont tous en eux quelque chose de lui, qui constitue leur forme. Les nombres tiennent leur quantité de leur participation à l’unité. De même ici, les êtres doivent leur essence à la trace de l’Un qu’ils ont en eux, en sorte que leur être est cette trace de l’Un. On ne s’éloignerait pas de la vérité si l’on disait que le mot εἶναι (einai), être, qui exprime l’essence, est dérivé du mot ἒν (en), un. En effet l’être, ὂν (on), a procédé immédiatement de l’Un et ne s’en est éloigné que fort peu ; en se tournant vers son propre fond, il s’est posé, il est devenu et il est l’essence de tout. Celui qui énonce l’être, en appuyant sur ce mot, produit l’unité, en montrant que l’être, ὂν (on), provient de l’unité, ἒν (en), comme l’indique, autant qu’il est possible, ce mot ὂν (on), être. C’est ainsi que l’essence, οὐσία (ousia)[1], et l’être, εἶναι, imitent autant qu’il est en eux le principe de la puissance duquel ils sont émanés. L’esprit, remarquant ces choses et guidé par leur contemplation, a imité ce qu’il voyait[2] en proférant les mots ὂν (on) (être), εἶναι (einai) (exister), οὐσία (ousia) (essence), ἑστία (hestia) (Hestia ou Vesta)[3]. En effet, ces sons essaient d’exprimer la

  1. M. Kirchhoff retranche ce mot. Cette suppression ne ne nous paraît pas nécessaire.
  2. « Si, au moyen de lettres et de syllabes, quelqu’un parvenait à imiter de chaque chose son essence, cette imitation ne ferait-elle pas connaître ce qu’est la chose imitée ? » (Platon, Cratyle, trad. de M. Cousin, t. XI, p. 112.)
  3. « Pour le nom dont nous parlons, remarquons que ce que nous appelons οὐσία (ousia), l’essence, s’appelle en d’autres contrées ἐσία (esia), et ailleurs encore ὠσία (ôsia). D’abord, on peut admettre que du second de ces trois mots on a tiré le nom de l’essence des choses, Ἑστία (Hestia). Et si nous appelons Ἑστία (Hestia) ce qui participe de l’être, οὐσία (ousia), il s’ensuit que Hestia a été bien nommée : car nous aussi, à ce qu’il paraît, nous avons dit primitivement ἑσία (esia) pour οὐσία (ousia). En outre, si l’on fait attention aux cérémonies des sacrifices, on pourra se convaincre que telle était la pensée de ceux qui avaient ainsi appelé l’essence de toutes choses. » (Platon, ibid., p. 53.)