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LIVRE PREMIER.


que les secondes doivent aux premières le nom de substances qu’on leur donne[1] ?

En général, qu’est-ce que la substance ? C’est une question à laquelle les Péripatéticiens ne sauraient répondre : car, en indiquer la propriété [comme ils le font], ce n’est pas définir ce qu’elle est essentiellement, et il semble que la propriété d’être une chose susceptible d’admettre successivement les contraires, tout en restant identique et numériquement une[2], ne saurait convenir à toutes les substances [aux substances intelligibles] .

ΙII. Peut-on admettre que la substance soit une catégorie qui embrasse à la fois la substance intelligible, la matière, la forme et l’ensemble de la forme et de la matière, au même titre qu’on dit que la race des Héraclides forme un genre, non que tous ses membres aient un caractère commun, mais parce qu’ils sortent tous d’une même souche[3] ? Alors, le premier degré appartiendra à cette substance [dont provient tout le reste], et le second degré aux autres choses qui sont moins substances. Qui empêche

  1. Simplicius cite ces objections de Plotin (Comm. des Catégories, fol. 20, d) et résout les questions qu’elles soulèvent.
  2. « Ainsi le propre de la substance serait, tout en restant identique et numériquement une, d’admettre les contraires par un changement qu’elle éprouve elle-même. » (Aristote, Catégories, II, ch. V, § 25 ; trad. fr., p. 72.)
  3. Cette pensée de Plotin est développée dans le passage suivant de Porphyre : « Les mots de genre et d’espèce n’ont pas, à ce qu’il semble, une signification simple. Ainsi le genre exprime la collection de plusieurs individus qui ont un certain rapport, soit avec une unité, soit entre eux. C’est en ce sens qu’on dit, par exemple, le genre, la race des Héraclides, en considérant qu’ils sortent tous d’un seul ancêtre, c’est-à-dire, d’Hercule ; et ce nom s’applique à la foule de ceux qui sont unis entre eux par un rapport de parenté commune remontant à cette source. Cette dénomination sert à distinguer cette race de toutes les autres. » (Introduction aux Catégories, ch. II ; trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire, p. 3.) Ce même passage de Plotin est cité par Simplicius, Commentaire des Catégories, fol. 43, g.