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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/249

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SIXIÈME ENNÉADE.


naissance, est-il encore passif ? — Si une chose augmente et qu’une autre soit augmentée, admettrons-nous que ce qui est augmenté pâtisse ? — Attribuerons-nous plutôt la passion à la chose qualifiée ? Si une chose est embellie et qu’une autre l’embellisse, affirmerons-nous que la chose qui est embellie pâtit ? Si la chose qui l’embellit s’amoindrit, se ternit comme l’étain, ou si elle gagne au contraire comme le cuivre, dirons-nous que l’étain agit et que le cuivre pâtit ? — Comment admettre enfin que celui qui apprend soit passif ? Est-ce parce que l’acte de celui qui agit passe en lui ? Mais comment y aurait-il passion puisqu’il n’y a là qu’un acte ? Cet acte, sans doute, n’est pas une passion ; mais celui qui le reçoit est passif, parce qu’il participe à la passivité. En effet, de ce que celui qui apprend n’agit pas lui-même il n’en résulte pas qu’il soit passif : apprendre, ce n’est pas être frappé, mais saisir et discerner, comme cela a lieu pour la vision[1].

XXI. Comment définirons-nous le fait de pâtir ? Nous ne le ferons point consister dans l’acte qui passe d’un être dans un autre, si celui qui reçoit cet acte se l’approprie[2]. Dirons-nous que l’être pâtit quand il n’y a pas acte, mais seulement passion ? Mais ne se peut-il pas que l’être qui pâtit devienne meilleur et que celui qui agit perde au contraire ? Ne se peut-il pas aussi qu’un être agisse d’une manière mauvaise et exerce sur un autre une influence pernicieuse ? Ne se peut-il pas encore que l’action soit mauvaise et la passion honorable ? Quelle distinction établirons-nous donc entre la passion et l’action ? Dirons-nous qu’agir c’est faire passer un acte de soi en autrui, et que pâtir c’est recevoir en soi un acte qui provient d’autrui ? Mais n’arrive-t-il pas qu’on produise en soi des actes qui

  1. Ces idées sont discutées par Simplicius, Commentaire des Catégories, fol. 82, b.
  2. Cette théorie est citée et discutée par Simplicius, ibid., fol. 81, e.