Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
SIXIÈME ENNÉADE.


absolument que ce qui est en acte existe antérieurement, et alors ce qui est en puissance n’est plus principe ; ou bien, si l’on veut que ce qui est en acte soit contemporain de ce qui est en puissance, les principes se trouveront dépendre du hasard. En outre, si ce qui est en acte est contemporain de ce qui est en puissance, pourquoi ne pas assigner le premier rang à ce qui est en acte ? Pourquoi cette chose [c’est-à-dire la matière] est-elle l’être plutôt que cette autre [c’est-à-dire la forme] ? Si l’on dit que la forme est postérieure, qu’on explique pourquoi il en est ainsi : car la matière n’engendre point la forme, la qualité ne saurait naître de ce qui n’a point de qualité, ni l’acte de ce qui est en puissance ; sinon, ce qui est en acte aurait existé antérieurement, dans le système même des Stoïciens. Chez eux, Dieu n’est plus simple[1] ; il est postérieur à la matière : car il est un corps composé de forme et de matière[2]. D’où lui vient alors sa forme ? Si Dieu existe sans matière, il est incorporel en sa qualité de Principe et de Raison, et le principe actif est ainsi incorporel. Si, même sans avoir de matière, Dieu est composé dans son essence en sa qualité de corps, il faut alors que les Stoïciens admettent une autre matière qui convienne à Dieu.

Comment d’ailleurs la matière est-elle le premier principe, si elle est un corps ? Le corps est nécessairement multiple ; il est toujours composé de matière et de qualité. Si le corps dont parlent les Stoïciens est d’une autre nature, c’est par homonymie qu’ils appellent la matière un corps. S’ils disent que la propriété commune du corps est d’avoir trois dimensions, ils parlent du corps mathématique.

  1. Ficin a traduit cette phrase d’une manière inexacte : « Neque amplius subjectum apud eos iilud atque materia foret simplex : atqui et Deus apud illos materia posterior est. » La même phrase se retrouve au commencement du § 27.
  2. Voy. Enn. II, liv. IV, § 1 ; t. I, p. 195-196.