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LIVRE PREMIER.


Si au contraire ils joignent aux trois dimensions l’impénétrabilité, ils n’énoncent plus une chose simple. En outre, l’impénétrabilité est une qualité ou provient d’une qualité ; or d’où vient l’impénétrabilité ? D’où vient l’étendue à trois dimensions ? Qui a donné l’étendue à la matière ? La matière en effet n’est pas contenue dans l’idée de l’étendue à trois dimensions, non plus que l’étendue à trois dimensions dans l’idée de la matière. Par conséquent, puisque la matière participe ainsi à la grandeur[1], elle n’est plus une chose simple.

D’où vient enfin l’unité de la matière ? Cette substance n’est pas l’unité, mais elle participe de l’unité. Il fallait donc concevoir que la masse matérielle n’est pas antérieure à tout, que le premier rang appartient à ce qui n’est pas une masse, à l’Un même ; puis descendre de l’Un au multiple, de ce qui n’a point de grandeur aux grandeurs : car il ne saurait y avoir multiplicité sans l’Un, ni grandeur sans ce qui n’a point de grandeur, puisque, si la grandeur est une, ce n’est point qu’elle soit l’Un même, mais seulement parce qu’elle participe de l’Un. On doit donc reconnaître que ce qui possède l’existence première et absolue est antérieur à ce qui existe par contingence. Comment la contingence existe-t-elle ? Quel est son mode d’existence ? Si les Stoïciens avaient examiné ce point, ils auraient trouvé ce qui n’est pas un par contingence [l’Un absolu] : j’appelle un par contingence ce qui n’est pas un par soi-même, mais par autrui.

XXVII. Les Stoïciens auraient dû, plaçant d’ailleurs au rang suprême le principe de tout, ne pas reconnaître pour principe et ne pas regarder comme essence ce qui est informe, passif, dénué de vie et d’intelligence, ténébreux

  1. Les Stoïciens définissaient la matière un corps sans qualité, auquel ils attribuaient la grandeur. Voy. Enn. II, liv. IV, § 1 ; t. I, p. 196.