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SIXIÈME ENNÉADE.


peut plus être appelé un simple complément de l’essence, il est l’essence elle-même. Il ne doit être rangé ni parmi les choses postérieures à l’essence, ni parmi les qualités ; il est contemporain de l’essence : car il ne faut pas croire que l’Être existât d’abord, puis qu’il se soit mû [ces deux choses sont contemporaines] ; il en est de même de la stabilité : on ne peut dire que l’Être était, puis qu’il est devenu stable. L’identité, la différence ne sont pas davantage postérieures à l’Être : l’Être n’a pas été d’abord un pour devenir ensuite multiple, mais il est par son essence un-multiple ; en tant que multiple il implique différence ; en tant qu’un-multiple il implique identité. Ces choses suffisent donc pour constituer l’essence[1]. Quand du monde intelligible on descend aux choses inférieures, on rencontre d’autres éléments qui ne constituent plus l’Essence absolue, mais une certaine essence possédant telle qualité, telle quantité : ce sont bien des genres, mais des genres inférieurs aux genres premiers.

XVI. Quant à la relation, qui n’est pour ainsi dire qu’un rejeton accessoire[2], comment pourrait-on songer à la placer parmi les genres premiers ? Il n’y a de relation qu’entre une chose et une autre : ce n’est rien qui existe par soi ; toute relation suppose quelque chose d’étranger.

Les catégories de lieu et de temps sont tout aussi éloignées de pouvoir figurer parmi les genres premiers. Être dans un lieu, c’est être dans quelque chose d’autre que soi, ce qui suppose deux choses[3] ; or un genre doit être un et n’ad-

  1. Ficin, dans l’argument placé en tête du § 15, éclaircit la pensée de Plotin par une ingénieuse comparaison : « Sicut non est prius ignis, deinde lux ejus, et calor, et siccitas atque levitas ; sed quatuor hæc, simul cum ignis essentia, sunt tanquam et proprietates et actus comites ejus existentis in actu ; ita ad ipsum ens se habent motus ejus intimus, atque status, et identitas pariter et alteritas. »
  2. Cette expression est empruntée à Aristote, Éthique à Nicomaque, liv. I, chap. VI, § 2.
  3. Voy. ci-dessus le livre I, §14, p. 178. Tout ce paragraphe est évidemment dirigé contre Aristote.