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LIVRE DEUXIÈME.


qui soit numériquement un, rien de ce qu’on nomme un individu. Quelle que soit la chose que l’on contemple en elle, c’est toujours une forme : car il n’y a pas en elle de matière. C’est pourquoi Platon a dit encore, en faisant allusion à cette vérité, que l’essence est divisée à l’infini[1]. Quand on descend du genre aux espèces, on n’arrive pas encore à l’infini[2] : car ce qui naît ainsi est défini par les espèces qui ont été engendrées par le genre ; le nom d’infini s’applique mieux à la dernière espèce, qui ne se divise plus en espèces. C’est pourquoi [comme l’enseigne Platon], quand on est arrivé aux individus, il faut les abandonner à l’infini[3]. Ainsi, les individus sont infinis en tant qu’ils sont pris en eux-mêmes ; mais en tant qu’ils sont embrassés par l’unité, ils sont ramenés à un nombre. — L’Intelligence embrasse donc ce qui vient après elle, l’Âme, en sorte que l’Âme, jusqu’à la dernière de ses puissances, est contenue par un nombre ; pour cette dernière puissance, elle est tout à fait infinie[4]. Considérée dans cet état [où, se tournant vers ce qui est au-dessous d’elle, elle engendre l’Âme], l’Intelligence est une partie [parce qu’elle s’applique à une chose particulière], quoiqu’elle possède toutes choses et qu’elle soit par elle-même universelle ; les intelligences qui sont ses parties sont chacune une partie [constituent chacune une intelligence particulière] en vertu de l’acte de l’Intelligence qui est [qui existe en elle-même][5]. Quant à l’Âme,

  1. Plotin paraît faire ici allusion au passage de Platon que nous citons ci-après p. 247, note 1.
  2. Infini signifie ici indéfini, indéterminé.
  3. Plotin parait faire ici allusion à un passage du Philèbe de Platon, que M. Cousin traduit littéralement de la manière suivante (t. II, p. 308, note) : « L’infinité des individus et la multitude qui se trouve en eux est cause que tu es d’ordinaire dépourvu d’intelligence. »
  4. Cette puissance est la matière. Voy. Enn. III, liv. IV, § 1 ; t. II, p. 89.
  5. Cette phrase est expliquée par ce qui suit : « Quand l’Intelligence agit en elle-même, les actes qu’elle produit sont les autres intelligences. »