Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
SIXIÈME ENNÉADE.


pris ensemble ils forment une unité, il en résulte que l’ensemble complexe et synthétique de tous ces animaux est l’Intelligence, qui, ayant ainsi en soi tous les êtres, est l’Animal parfait, l’Animal par essence. En se laissant contempler par ce qui tient d’elle l’existence, l’Intelligence devient pour lui l’Intelligible, et reçoit cette qualification avec vérité[1].

XXII. C’est ce qu’a voulu faire entendre Platon quand il a dit, d’une manière énigmatique : « L’Intelligence contemple les idées comprises dans l’Animal parfait[2] ; elle voit ce qu’elles sont et en quel nombre elles sont. » En effet, l’Âme [universelle], qui vient immédiatement après l’Intelligence, possède les idées en elle en tant qu’âme, mais elle les voit mieux dans l’Intelligence qui est au-dessus d’elle[3]. De même, notre intelligence propre, qui possède aussi en elle les idées, les voit mieux quand elle les contemple dans l’Intelligence supérieure : car en elle-même, elle voit seulement ; dans l’Intelligence supérieure, elle voit en outre qu’elle voit[4]. Or cette Intelligence qui contemple les idées n’est pas séparée de l’Intelligence supérieure (car elle en procède) ; mais comme elle est la pluralité sortie de l’unité, parce que [à l’identité] elle unit la différence, elle devient unité-pluralité. Étant à la fois unité et pluralité, l’Intelligence en vertu de sa nature multiple produit la pluralité [des essences][5]. On ne saurait d’ailleurs trouver en elle rien

  1. « En contemplant l’Intelligible, l’Intelligence lui devient semblable, et elle en est l’Intelligence parce qu’elle le pense. En le pensant, elle est d’une manière l’Intelligence, et d’une autre manière l’Intelligible, parce qu’elle l’imite. » Enn. III, liv. IX, § 1 ; t. II, p. 240.
  2. Il y a dans Platon l’Animal qui est. Ce passage a déjà été cité et commenté par Plotin, Enn. III, liv. IX, § 1 ; t. II, p. 238.
  3. Pour le développement de cette théorie, Voy. Enn. II, liv. IX, § 1 ; t. II, p. 240.
  4. Voy. Enn. V, liv. III, § 4 ; t. II, p. 38.
  5. Si on lit avec M. Kirchhoff τοὺς πολλοὺς νοῦς (tous pollous nous), au lieu de τὰ πολλὰ (ta polla), il faut traduire : la pluralité des intelligences. Ficin ajoute à la fin de la phrase atque vicissim, mots auxquels rien ne correspond dans le texte grec et dont on ne voit pas la nécessité.