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SIXIÈME ENNÉADE.

matière[1], l’être ne s’affirme pas également de la matière et de la forme, et la substance n’est pas un genre qui ait pour espèces la matière, la forme et le composé[2]. Ces trois choses ont plusieurs caractères communs, comme nous l’avons déjà dit, mais elles diffèrent sous le rapport de l’être : car lorsqu’une chose qui possède un degré supérieur d’être s’approche d’une chose qui en possède un degré inférieur [comme la forme s’approche de la matière], cette chose, bien qu’antérieure dans l’ordre [ontologique], est postérieure sous le rapport de la substance ; par conséquent, si la matière, la forme et le composé ne sont pas également des substances, la substance n’est plus pour elles une chose commune, un genre. Cependant la substance sera dans un rapport moins étroit avec les choses qui sont postérieures à la matière, à la forme et au composé, bien qu’elle leur donne à toutes la propriété de s’appartenir à elles-mêmes ; c’est ainsi que la vie a divers degrés, l’un plus fort, l’autre plus faible, et que les images d’un même objet sont l’une plus vive, l’autre plus obscure[3]. Si l’on mesure l’être par un degré inférieur d’être, et que l’on omette le degré supérieur qui se trouve dans les autres choses, l’être ainsi considéré sera commun. Mais ce n’est

  1. « À considérer la question sous ce point de vue [si tout le reste se rapporte à la substance, et la substance à la matière], la substance sera la matière ; mais, d’un autre côté, cela est impossible : car la substance parait avoir pour caractère essentiel d’être séparable et d’être quelque chose de déterminé. D’après cela, la forme et l’ensemble de la forme et de la matière paraissent être plutôt substance que la matière. Mais la substance réalisée (je veux dire celle qui résulte de l’union de la matière et de la forme), il n’en faut pas parler. Évidemment elle est postérieure à la forme et à la matière, et d’ailleurs ses caractères sont manifestes ; la matière elle-même tombe, jusqu’à un certain point, sous le sens. Reste donc à étudier la troisième, la forme. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII, chap. 3 ; trad. fr., t. II, p. 8.
  2. Voy. ci-dessus le livre i, § 2-3, p. 152-155.
  3. Voy. Enn. III, liv. VIII, § 7 ; t. II, p. 223-224.