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LIVRE TROISIÈME.

sible n’est pas être par lui-même, il faut dire qu’il tient son existence de l’être qui est véritablement, qu’il tient sa blancheur du blanc en soi, et qu’enfin le blanc en soi a l’être parce qu’il participe de l’être intelligible.

VII. Si l’on prétend que les choses matérielles tiennent leur être de la matière, nous demanderons d’où la matière tient elle-même son existence et son être : car nous avons démontré ailleurs que la matière n’occupe pas le premier rang[1]. — Si l’on ajoute que les autres choses ne sauraient subsister sans être dans la matière, nous dirons que cela n’est vrai que pour les choses sensibles. Mais si la matière est antérieure aux choses sensibles, cela n’empêche pas qu’elle ne soit postérieure à beaucoup de choses, à toutes les choses intelligibles : car la matière a une existence plus obscure que les choses qui sont en elle, si ces choses sont des raisons [séminales], lesquelles participent plus à l’être, tandis que la matière est complètement irrationnelle, est une ombre de la raison, une chute de la raison[2]. — Si l’on objecte que la matière donne l’être aux choses matérielles, comme Socrate donne l’être au blanc qui est en lui, nous répondrons que ce qui possède un degré supérieur d’être peut bien donner un moindre degré d’être à ce qui n’en possède qu’un degré inférieur, mais que la réciproque ne saurait avoir lieu. Or, comme la forme est plus être que la

    marche est un être, ainsi que ce qui est assis et qui se porte bien. Mais ces choses ne semblent si fort marquées du caractère de l’être que parce qu’il y a sous chacune d’elles un être, un sujet déterminé. Et ce sujet, c’est la substance, c’est l’être particulier qui apparaît sous ces divers attributs. Bon, assis, ne signifient rien sans cette substance. Il est donc évident que l’existence de chacun de ces modes dépend de l’existence même de la substance. D’après cela, la substance sera l’être premier ; non point tel ou tel mode de l’être, mais l’être pris dans son sens absolu. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII, chap. 1 ; trad. fr., t. II, p. 2-3.)

  1. Voy. ci-dessus le livre i, § 26, p. 105.
  2. Voy. Enn. II, liv. IV, § 10 ; t. I, p. 208-211.