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LIVRE TROISIÈME.

l’homme universel qui a donné à Socrate d’être homme : car l’homme individuel est homme par participation à l’homme universel. Qu’est d’ailleurs Socrate si ce n’est tel homme ? Or en quoi être tel homme contribue-t-il à rendre la substance plus substance ? Si l’on répond qu’il y contribue en ce que l’homme universel est seulement une forme, tandis que tel homme est une forme dans la matière, il en résultera seulement que tel homme sera moins homme : car la raison [l’essence] est plus faible quand elle est dans la matière. Si l’homme universel ne consiste pas seulement dans la forme même, mais est encore dans la matière, en quoi sera-t-il inférieur à la forme de l’homme qui est dans la matière, puisqu’il sera la raison de l’homme qui est dans la matière ? L’universel est antérieur par sa nature, et par conséquent la forme est antérieure à l’individu. Or ce qui est antérieur par sa nature est antérieur absolument. Comment donc l’universel serait-il moins substance ? Sans doute l’individuel, nous étant plus connu, est antérieur pour nous ; mais il n’en résulte aucune différence dans les choses elles-mêmes[1]. Enfin, si l’on admettait la distinction des substances premières et des substances secondes, la définition de la substance ne serait plus une : car ce qui est premier et ce qui est second ne sont pas compris sous une même définition et ne forment pas un seul et même genre.

X. On peut encore diviser les corps en chauds et secs,

  1. Ici Plotin essaie de réfuter les objections élevées par Aristote contre la valeur accordée par Platon à l’universel : « Il est impossible, selon nous, qu’aucun universel, quel qu’il soit, soit une substance. Et d’abord la substance première d’un individu, c’est celle qui lui est propre, qui n’est point la substance d’un autre. L’universel, au contraire, est commun à plusieurs êtres : car ce qu’on nomme universel, c’est ce qui se trouve, de la nature, dans un grand nombre d’êtres. De quoi l’universel sera-t-il donc substance ? etc. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII, ch. 13 ; trad. fr., t. II, p. 19.)