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SIXIÈME ENNÉADE.

tout entier ? Pourquoi y a-t-il plusieurs degrés parmi ces êtres, l’un étant le premier, l’autre le second, et ainsi de suite ? — C’est qu’on regarde comme présents à l’Être intelligible les êtres qui sont capables de le recevoir. L’Être existe partout dans ce qui est être, ne se manquant ainsi nulle part à lui-même. Tout ce qui peut lui être présent lui est présent dans la réalité, lui est présent, dis-je, dans la mesure où il le peut, non d’une manière locale, mais comme le diaphane est présent à la lumière[1] : car la participation s’opère d’une autre manière dans le corps qui est troublé[2]. Si l’on distingue parmi les êtres plusieurs degrés, il faut bien concevoir que le premier n’est séparé du second, et le second du troisième que par son ordre, sa puissance, ses différences [propres], et non par son lieu[3]. Dans le monde intelligible, rien n’empêche de subsister ensemble des choses qui sont différentes, telles que l’âme et l’intelligence, et toutes les sciences, soit supérieures, soit inférieures. C’est ainsi que dans une même pomme l’œil voit la couleur, l’odorat sent le parfum, et chacun des autres

  1. C’est la comparaison dont Plotin se sert pour exprimer le rapport de l’âme avec le corps (Enn. IV, liv. III, § 22 ; t. II, p. 307). Ce passage est cité et commenté par le P. Thomassin : « Fundamentum aliud immensitatis divinæ est ipsum esse : quum enim sit pelagus incircumscriptum essendi, omnia ergo occupat ; omnia tum loca, tum locata, imo entia quælibet in se præhabet et anticipat ; nec ens ullum est nisi quia summo Enti adest subestque. Adsunt autem ei omnia, non tam locali præsentia quam essentiali dependentia ; subsunt ei magis quam adsunt ; præest magis illis quam inest ; nexus hic est, non situs, et ordo magis emanandi quam locus assistendi. » (Dogmata theologica, t. I, p. 246.)
  2. Cette expression s’explique par la phrase suivante : « L’âme qui n’est pas asservie au corps ressemble à une lumière qui n’est pas plongée dans le tourbillon de la matière, quoique la partie de l’âme qui s’y trouve plongée ne cesse pas pour cela d’être impassible. » (Enn. III, liv. VI, § 5 ; t. II, p. 137.)
  3. Sur les trois degrés des êtres, Voy. ci-dessus Enn. V, liv. I, § 8, p. 18 et la note.